Malgré ses ressources humaines de qualité, le Sénégal vit aujourd’hui une crise morale aiguë avec l’effondrement des valeurs qui faisaient sa grandeur et sa fierté. Si l’on se fonde sur ce que l’on voit et vit au quotidien dans la conduite des hommes qui ont en charge les destinées de ce pays, l’on ne peut qu’être inquiet, choqué et révulsé tant ce que l’on nous a appris est aux antipodes du comportement de nos élites dirigeantes.
Aussi, le constat est que le Sénégal actuel n’a plus rien de ce que ce pays fut jadis du point de vue de la moralité et de la vertu. Le plus inquiétant dans ce Sénégal d’aujourd’hui est que ce sont ceux qui sont censés être des modèles de droiture et de probité qui favorisent la corruption, la concussion, l’irresponsabilité, le clientélisme qu’ils ont fini par ériger en système de gouvernement. Alors qu’il est communément admis qu’aucune société ne peut subsister s’il n’y a pas un minimum de convictions morales communes à tous ses membres. Étant entendu que l’éthique commune est le ciment indispensable à la stabilité de l’édifice social.
Mais, dans ce Sénégal d’aujourd’hui, il semble que la seule valeur qui vaille, c’est l’argent et tous les moyens sont bons pour se le procurer. Le journaliste Khalil Guèye a, dans une de ses récentes chroniques intitulée « Ce Sénégal dont nous ne voulons pas », peint la situation actuelle en ces termes : «Avec la naissance presque spontanée et quasi quotidienne des scandales et des détournements, notre pays pourrait assurément accuser les pires retards vers son émergence. Bizarrement, c’est dans ce Sénégal, l’un des pays d’Afrique où l’on ne travaille pas assez, que l’on parle le plus de milliards au quotidien. Le mot milliard, il faut le dire, est entré dans le quotidien des Sénégalais en l’an 2000 avec l’arrivée de l’alternance de la morale, marquée par le basculement des consciences, l’appât du gain, la recherche de l’argent par tous les moyens ».
Et tous ceux qui essaient de résister à cette recherche frénétique d’argent en gardant leurs principes de dignité, d’honnêteté ou d’intégrité, sont taxés de ringards, de gens qui manquent d’ambitions et autre. Ce qui laisse augurer de lendemains incertains qu’il n’est point besoin d’être devin pour savoir que si la tendance n’est pas inversée, le Sénégal risque simplement de basculer dans l’inconnu, étant entendu qu’un pays sans boussole ni repère va à l’aventure.
«LA PERTE DES REPERES, L’ANGOISSE DEVANT DES LENDEMAINS INCERTAINS SONT PARMI LES ETATS D’ESPRIT LES PLUS LARGEMENT PARTAGES PAR LES SENEGALAIS DU TEMPS PRESENT… »
C’est à se demander, parfois, à quoi servent vraiment ceux qui président aux destinées de ce pays, s’ils sont incapables d’anticiper sur les événements, de trouver des solutions à de tels problèmes. Parce que, même si cette perte de valeurs ne date pas d’aujourd’hui, qu’ont-ils fait pour y remédier ?
Déjà, en 2009, plus précisément le 7 janvier, lors de la restitution des conclusions de ses travaux tenus aux Martyrs de l’Ouganda, la Commission 5 des Assises nationales, chargée des questions sociétales, n’avait pas manqué de souligner que «la perte des repères, l’angoisse devant des lendemains incertains sont parmi les états d’esprit les plus largement partagés par les Sénégalais du temps présent. Le mal a pris une ampleur et une acuité telle, qu’il s’impose l’ardente et urgente nécessité que notre société, dans son ensemble, s’attelle sans faux-fuyants ni retard, à la recherche de ses causes ainsi que des remèdes qu’il faut y apporter ».
Malheureusement, au lieu d’essayer d’apporter des remèdes, les élites dirigeantes ont au contraire exacerbé le mal, et il suffit de voir l’impunité et la désinvolture dont le bien commun est géré, pour s’en rendre compte. Aussi, est-il temps, aujourd’hui, que tous ceux qui aspirent à un autre Sénégal s’investissent, parce que nul ne doit accepter d’être pris en otage éternellement par une poignée de politiciens, qui, à cause de leurs intérêts malsains, ont fini de faire perdre au Sénégal, jadis un pays de respect, de tolérance et de piété, toutes ces valeurs qui faisaient sa fierté et sa réputation.
El Hassane Sall
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