Il est généralement admis que la politique est l’art de gouverner la Cité. Si nous sommes en démocratie, cette gouvernance doit, logiquement, être au service de la Cité, des citoyens. Étant entendu que ce sont les citoyens qui désignent parmi eux, suivant certains critères, ceux qui doivent gérer leur Cité. Mais, dans la plupart de nos pays, les dirigeants issus de ce mode de désignation s’érigent en une oligarchie, à la fois, adulée et crainte par ces mêmes citoyens qui les ont désignés, qui les ont élus. A cause des pouvoirs qu’ils concentrent entre leurs mains. Et, avec un malin cynisme de la part de ce pouvoir, ce même peuple se voit transformé en bétail électoral. Pour animer la «démocratie».
Remarquons que dans une telle situation, les normes qui doivent gouverner une démocratie participative deviennent, en définitive, des exceptions.
Et après l’accession au pouvoir de cette oligarchie, les problèmes auxquels les populations étaient confrontées restent rangés dans la procrastination. Et, paradoxalement, sans une réaction à la dimension de leurs attentes, de leurs problèmes.
Il arrive, dès lors, que des hommes et des femmes quittent le cadre citoyen pour s’organiser en lobbies ou groupes de pression pour défendre leurs intérêts. Face à un pouvoir qui ne comprend, dans bien des cas, que ce langage. Malheureusement, les intérêts des lobbies ne sont pas forcément ceux des citoyens.
L’effet pervers, dans cette situation c’est que les rares fois où des actions sont entreprises pour essayer d’améliorer les conditions de vie des citoyens, il arrive que ces lobbies se dressent contre le pouvoir pour les enrayer. Au grand dam des populations qui en auraient, pourtant, grandement besoin.
Cet état de fait, entretenu avec un certain cynisme, fait que chacun, pourvu qu’il se sente protégé ou redouté, fait ce qu’il veut, comme il le veut, où il le veut, quand il le veut. Malgré les dommages qu’il peut causer à ses concitoyens, à son environnement, à son pays.
Des manifestations individuelles et collectives laisseront paraitre un incivisme anachronique. Occupations anarchiques d’espaces publics, installations à haut risque pour les populations et l’environnement, sous le regard (impuissant ?) des autorités qui ne voudraient se mettre à dos des «électeurs» !
Ce laisser-aller, cette joyeuse pagaille, gangrène aujourd’hui toute la société, au point que les normes sont dans leurs petits souliers.
Si, aujourd’hui des ruptures doivent être opérées, le concept doit être plus globalisant. Et prendre en compte toutes les actions susceptibles d’être menées pour nous en sortir . En tant que citoyens, en tant que Nation, en tant que pays.
Après les sombres pages de notre histoire comme
L’esclavage
La colonisation
L’aide au développement
Les programmes d’ajustement structurel
Les documents stratégiques de lutte contre la pauvreté
Comprenons ceci : «Les nations européennes se vautrent dans l’opulence la plus ostentatoire. Cette opulence européenne est littéralement scandaleuse, car elle a été bâtie sur le dos des esclaves, elle s’est nourrie du sang des esclaves, elle vient en droite ligne du sol et du sous-sol de ce monde sous-développé. Le bien-être et le progrès de l’Europe ont été bâtis avec la sueur et les cadavres des Nègres, des Arabes, des Indiens et des Jaunes. Cela nous décidons de ne plus l’oublier.» (Les Damnés de la Terre (1961), Frantz Fanon, éd. La Découverte poche, 2002, p. 94)
Et voici maintenant que les puissances d’argent et l’universalisme occidental nous sortent, encore, de leurs bottes des programmes ,à qui mieux mieux dans le ridicule et le cynisme. Accompagnés d’un d’un fumeux tapage médiatique
Sans être devin, et au vu de ce qui précède, on peut aisément prédire l’avenir de ces dernières trouvailles .
Les pays n’ont ni les mêmes spécificités. Encore moins les mêmes intérêts.
Dès lors , vouloir émerger avec les idées, les programmes des autres, sans les mêmes réalités, nous mène droit au mur.
Alors, pourquoi, après avoir constaté et compris tout cela, les
dirigeants africains ne font rien ? Allons-nous continuer à nous emmêler
les pinceaux quant à notre voie de salut ?
Dans notre continent,
les tenants du pouvoir repoussent toujours le développement de leurs
pays à des horizons qui leur laisseront le temps de terminer leur
mandat. D’écumer les richesses du pays, sous l’impulsion et la
protection des anciens maitres. Avec la complicité, la démission ou
l’impuissance des citoyens.
Toute la pratique politique dans nos
pays se résume à de sempiternelles querelles autour des voies tendant à
l’accession ou à la pérennisation des positions de pouvoir. Mettant
ainsi, entre parenthèses le développement du pays, le sort des citoyens.
Tout compte fait, le pouvoir politique, compte tenu des informations
distillées par les média, ne sert que des intérêts égoïstes. L’actualité
politique nationale récente informe sur l’importance du retard en
développement, la grande faiblesse du niveau de vie du plus grand nombre
des populations, l’absence de futur pour la jeunesse et l’accentuation
d’une délinquance politique qui détourne, sans cesse, les ressources de
l’Etat.
Par ailleurs, nous sommes dans une situation où une nouvelle
race de politiques, sans foi ni loi, cherche à se pré-positionner en
mettant entre parenthèses l’éthique et la déontologie. Il s’y ajoute que
parmi ceux qui briguent encore le pouvoir d’Etat, certains sont des
générateurs avérés de la précarité et de la peur dans lesquelles plonge
le plus grand nombre de Sénégalais. Des acteurs politiques, qui ne sont
pas des moindres ont mis en panne la Nation Sénégal. Car ils sont
devenus, presque tous, du fait de l’enrichissement sans cause, des
rentiers. La plupart de ceux issus des régimes de Senghor, Diouf et
Wade, disposent de patrimoines obtenus par le biais de la corruption, de
la concussion et du détournement de deniers publics.
Il n’est que
trop temps pour engager une rectification et amorcer, sans délai, des
transformations indispensables à la réalisation d’un développement à
hauteur d’homme. Parce que les conditions actuelles de la pratique de la
gouvernance devraient rejeter, sans nuance, certains leaders qui n’ont
favorisé, en somme, qu’une gestion autoritaire, délibérée et arbitraire
des deniers de l’Etat. D’ailleurs, le ridicule, selon toute
vraisemblance, ne tue plus au Sénégal, mais… enrichit.
Pourquoi
accepter que certains acteurs politiques du Sénégal continuent, après
avoir pillé les biens publics, à briguer le suffrage ? Or, leur moralité
les élimine de toute compétition politique.
Il est urgent de régler
les effets imposés par le poids des moralités variables. Car l’accès à
l’argent sale devient, de jour en jour, un moyen privilégié pour
remporter des élections.
En substance, les scandales d’ordre
financier, les détournements de fonds, les enrichissements sans cause
qui impliquent les tenants du pouvoir, leurs affidés ou leurs familles,
jalonnent l’histoire de la gouvernance des pays Africains . De
l’Indépendance à nos jours ! Sans que, pour autant, cela ne leur en
coûte ou ne les disqualifie de l’exercice d’une fonction publique ou
politique.
L’intelligence collective citoyenne notera au passage que
certains dirigeants africains issus de l’Ecole communiste ne se plient
au système démocratique que pour accéder au pouvoir. Mais les règles et
les normes d’une démocratie participative, ils n’en ont cure. Par des
stratégies et des subterfuges, ils se pérenniseront au pouvoir. La
corruption, la répression et tous les moyens à l’encontre de leurs
pourfendeurs seront mis en branle pour qu’on les laisse exercer
tranquillement leur pouvoir. Et ils mettront tout en exercice pour
anéantir ceux qui ne sont pas avec eux.
L’arc-en-ciel les rebute au plus haut point. L’ «uniformisme», leur rêve.
Le mauvais encadrement de la pratique de la démocratie, l’impunité
permise à la délinquance politique et l’expectative observée par le
pouvoir d’Etat incitent à croire que les ruptures, les transformations
et la pédagogie du changement attendues pourraient ne relever que de
l’utopie. Quelques fois tout ressemble à de la combine !
Ce tableau
sombre est constitué à partir de pages sombres de notre histoire qu’il
aura fallu nécessairement lire et bien lire avant de les fermer
définitivement.
Maintenant, si nous voulons engager les vraies
ruptures qui nous permettront d’envisager un avenir salutaire, nous
devons nous poser ces questions et y répondre sans faux-fuyant :
Quel type de société voulons-nous ériger ?
Quels sont nos objectifs de développement ?
De quels moyens disposons-nous ?
Avec qui devrons-nous cheminer pour y parvenir ?
Wagane FAYE – Professeur d’anglais – ngenbale@hotmail.fr
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