“Si les sénégalais veulent le développement, chacun doit travailler à consolider la paix et le dialogue” dixit le défunt Khalife Général des Tidianes, Serigne Abdoul Aziz SY, le digne de confiance.
Pourquoi dialoguer ?
Pour rappel, la religion est l’expression du culte de la société qui est la seule réalité à dépasser les individus et à pouvoir les rassembler. Il se trouve que nos guides spirituels toutes confessions confondues, sont d’avis que rien ne peut se faire sans la paix. Un pays ne peut se construire durablement s’il n’y a pas la paix et le dialogue. C’est à cela d’ailleurs qu’appelait le Président de la République dans son discours du 28 Mai 2016 lorsqu’il nous rappelait qu’ « au-delà de nos différences et de nos divergences, nous avons en commun le Sénégal, cette terre que nous ont léguée nos aïeux et que nous devons transmettre aux générations futures dans de meilleures conditions »,avant d’ajouter que « la compétition démocratique pour l’accès au pouvoir n’est pas incompatible avec la concertation entre les forces vives de la nation, sur les questions majeures de la vie de notre cher Sénégal. A cet égard, je m’inscris dans la tradition de notre peuple dont le génie a toujours permis de trouver les ressorts pour construire des convergences fortes autour de notre pacte social sur la base de la confiance mutuelle. »
La perspective des élections présidentielles de 2024 et les réminiscences des dernières élections législatives ajoutées à la situation judiciaire de plusieurs acteurs majeurs de la vie politique ayant installé la fébrilité dans l’espace politique, il urge pour l’ensemble des acteurs de travailler à la construction durable de la paix et de la cohésion sociale par la promotion de la culture du dialogue permanent, de la concorde, et de la solidarité nationale.
Pour éviter le syndrome qui a déconstruit plusieurs pays pétroliers, Il nous faut nécessairement anticiper sur les incertitudes du futur en jetant les bases d’une réflexion nationale responsable.
Il faut déclencher un puissant sursaut national en transformant par la culture, l’éducation et la discipline, la jeunesse en vecteur de progrès, en créant l’enthousiasme et l’adhésion à un projet commun.
C’est toute la problématique de la productivité du travail, de l’attitude vis-à-vis du travail, de la discipline collective pour la production et non pour une mentalité d’assisté éternel à la consommation dans tous les secteurs, qu’il faut revisiter pour faire éclore un modèle de citoyen sénégalais plus apte à comprendre et relever les défis de l’émergence du Sénégal.
L’histoire politique du Sénégal postindépendance montre en effet que grâce à la vivacité des dynamiques citoyennes sénégalaises sans cesse entretenue par les régimes successifs, les différents ressorts du jeu politique interne ont pu témoigner de la solidité de notre démocratie au moyen du dialogue.
Comment dialoguer ?
Afin de pérenniser cette réputation, le Président de la République Macky SALL a appelé à la mise en place d’un mécanisme de dialogue qui pourrait prendre la forme d’un espace protégé pour permettre de communiquer ouvertement, de résoudre les conflits, de poser les bases d’une coopération et de travailler ensemble sur des mesures de réforme politique et des problématiques d’intérêt national.
L’engagement à long terme est ainsi tout à fait pertinent, puisque les changements sociaux demandent généralement un certain temps qui se compte en décennies plutôt qu’en années, et qu’il s’agit d’un processus permanent et sans fin. Un dialogue durable permet en outre de veiller à la mise en œuvre concrète des politiques ou des mesures de réforme sur lesquelles les parties prenantes parviennent à se mettre d’accord. Elles doivent continuer à montrer leur engagement commun en donnant corps aux résultats du dialogue et peuvent même s’appuyer sur le dialogue pour superviser la phase de mise en œuvre, en assurant le suivi et l’évaluation du respect par toutes les composantes d’un code de conduite accepté par tous.
Le dialogue inclusif ne devra donc pas être considéré comme un événement isolé, mais plutôt comme une composante indispensable de la culture démocratique, un mécanisme essentiel à la promotion d’une démocratie sans violence, l’expression même de la démocratie en permettant à toutes les composantes de la société de faire entendre leur voix. La concertation devra être large, participative, inclusive, démocratique et ouverte à tous les segments de notre société.
Idéalement, la plateforme de dialogue viendra compléter l’action du gouvernement et devra apporter une valeur ajoutée aux différentes fonctions qu’assure l’Etat.
Mais Il faut le dire, la difficulté d’une véritable concertation politique nationale conduisant à des choix communs dans l’intérêt du Sénégal, réside essentiellement dans la prolifération des partis politiques aux idéologies et aux programmes parfois peu apparents, l’absence de démocratie au sein de beaucoup d’entre eux, le manque de civisme qui renforce le système clientéliste et aggrave la corruption.
La lutte contre la pauvreté et les inégalités se heurte également au mur des égoïsmes.
En s’assurant que le dialogue ne se déroule pas uniquement entre élites politiques et en encourageant un véritable dialogue inclusif, il est possible de créer cette légitimité démocratique indispensable.
La mise en place de la plateforme de dialogue devrait donc se faire en gardant à l’esprit un principe clé qui est de bâtir la réflexion et l’action autour des cadres, réseaux et mécanismes déjà existants et en évitant ainsi de créer des structures parallèles induisant par ailleurs des charges récurrentes. Les concertations autour du processus électoral dans le cadre de la revue Technique du Code Electoral (CTRCE), la Concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur, la Concertation nationale sur la Santé et l’Action sociale, les Assises de l’éducation nationale, la Conférence sur le dialogue social, les consultations citoyennes pour les réformes institutionnelles, les concertations autour de l’Acte 3 de la décentralisation, le processus inclusif autour de la Réforme du foncier et le Forum sur l’administration sont autant de preuves formelles de la volonté sincère du Président Macky Sall à dialoguer et autant d’exemples qui peuvent constituer des sources d’inspiration. Il faudra réorganiser le dialogue social de manière harmonieuse en tenant compte des acquis et des limites du Haut Conseil du Dialogue Social (H.C.D.S) et du Conseil Economique, Social et Environnemental (C.E.S.E).
Il s’agira d’un processus suivi mais souple, avec des rencontres à intervalles irréguliers et présentant des degrés fluctuants d’intensité, par exemple avec des pics lorsque des sujets litigieux surviennent et des creux en l’absence de sujets à discuter, ou inversement. Le dialogue suppose une modalité formalisée et institutionnalisée, dont Les principes de base de la concertation posent clairement que « les consensus forts sont réputés primordiaux par rapport aux positions et contributions des experts et porteurs d’enjeux ».
Le dialogue inclusif hors des institutions démocratiquement élues permet certes d’améliorer la dynamique entre les parties prenantes et d’avoir une influence positive sur l’élaboration de processus nationaux de réforme. Toutefois, il ne devra pas être considéré comme un processus de décision parallèle ou comme un mécanisme destiné à contourner les institutions démocratiquement élues.
Dialoguer pour quels résultats ?
La plateforme de Dialogue et de Pilotage mise en place et ses TDR validés devra fonctionner de préférence comme un espace distinct du parlement et qui disposera de structures et de procédures propres, susceptibles de créer une meilleure dynamique entre les différentes parties et de permettre le dialogue plutôt que le débat.
C’est ainsi que ce dialogue inclusif permettra de trouver des solutions pratiques et pacifiques aux problèmes, ainsi qu’à un niveau plus approfondi, de traiter des moteurs du conflit et de la réconciliation, de parvenir à un consensus ou à une cohésion plus large à l’échelle nationale, et de proposer une vision commune pour l’avenir.
Autrement dit, il s’agira d’instaurer un dialogue institutionnalisé et durable entre les différents segments de la nation, qui n’est pas limité aux partis politiques et qui porte généralement sur des sujets d’intérêt commun.
Ainsi donc, le dialogue national permettra entre autres
-la protection des valeurs positives de notre société.
-Le renforcement de la légitimité des institutions en parvenant à un consensus sur leur bon fonctionnement.
-La consolidation de l’Etat de droit.
-L’approfondissement de la démocratie représentative et participative.
-Le renforcement de la protection des libertés publiques.
-La promotion de la bonne gouvernance, de la transparence et de l’éthique dans la gestion des affaires publiques ainsi que la culture de l’imputabilité.
-De construire un consensus parlementaire sur des mesures politiques ou des projets de loi à risque.
-De contribuer à la rédaction des politiques ou textes législatifs qui feront ensuite l’objet d’un débat et d’un vote au sein du parlement.
-De légiférer sur le statut de l’opposition et de son chef ainsi que le financement public des partis politiques afin de consacrer le projet de modernisation du système sénégalais des partis politiques.
-De revoir et d’améliorer la loi portant Code général des collectivités territoriales dans une perspective de territorialisation.
-D’assurer un contrôle stratégique du processus de valorisation des réserves pétrolières et gazières du Sénégal dans un contexte de menace terroriste.
Conclusion
Mon dernier mot est un appel aux hommes politiques, à tous les hommes politiques. Près de soixante ans après l’indépendance, l’amertume a gagné le cœur des sénégalais, entrainant désaffection, suspicion, voire mépris vis-à-vis de la politique, des politiques. Les diagnostics opérés sur notre pays ont tous abouti à une seule et même conclusion à savoir qu’il est impossible de changer en profondeur les conditions de vie des populations sans la participation de toutes les forces vives, saines et patriotiques de ce pays .
L’œuvre de construction de notre pays sera donc une aventure vouée à l’échec tant que la lutte contre la pauvreté et les inégalités se heurtera au mur des égoïsmes
Chaque segment de notre société peut et doit contribuer à ce sursaut salvateur en fonction de ses moyens, de ses idées, de sa disponibilité, de sa position.
J’exhorte donc nos amis de l’opposition à accepter de travailler avec la majorité dans un esprit critique, sans suspicion mais avec l’humilité requise pour une refondation de la République sur des bases démocratiques et transparentes.
J’invite mes camarades de Benno Bokk Yaakaar à s’inscrire dans un élan d’ouverture et d’inclusion, de générosité et de respect vis à vis de l’opposition, afin que toutes les forces patriotiques et démocratiques partageant les mêmes valeurs d’éthique se mobilisent pour construire ensemble un nouveau type de sénégalais qui œuvre dans le sens d’un Sénégal de type nouveau.
Yoro BA Sociologue,
Conseiller Spécial à la Présidence de la République
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