Décembre 1982-Décembre 2022 : La guerre de Casamance, la grande oubliée ?

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N’a-t-on pas coutume de dire que la nature a horreur du vide ?

C’est en tout cas, quand nous nous tournons de nos jours du côté de la Casamance, au lieu de nous souvenir de la guerre pendante de Casamance, c’est en tout cas, dis-je, l’interrogation perplexe qui nous titille comme en écho au perpétuel bruissement du « phénomène Sonko ».

En effet, celui-ci a pris la place du MFDC en Casamance. C’est un fait ! qui n’en induit pas moins un autre, celui précisément, à la faveur justement du « phénomène Sonko », de voir la Casamance envoyer à l’Assemblée Nationale, pour la première fois de son histoire, non pas des « cerveaux », mais des « biceps », comme pour renvoyer de la sorte et de plein fouet, à la figure du MFDC, ce qui passe pour un déchet collatéral de la Rébellion casamançaise.

Est-ce pour cela que les plus valeureux ou les plus zélés d’entre nous ont donné leur vie en Casamance, qu’ils soient du MFDC ou de l’Armée ? Tout ça pour ça ?

A propos, j’ai été particulièrement choqué par l’attitude et le discours du député Guy Marius Sagna, fustigeant jusqu’à la limite de l’insulte (quel euphémisme !) le ministre Doudou Kâ, pour le précieux concours financier que celui-ci a bien voulu apporter au Casa-Sport quand il était directeur général de l’AIBD, d’une part, et, de l’autre, pour sa promotion comme ministre. J’ai trouvé cela mesquin et méchant.

Ne nous méprenons pas, la nature a bel et bien horreur du vide.

Autrefois, le MFDC disait : « Sénégal dégage ! » Et, de nos jours, d’aucuns crient : « France dégage ! ». Sauf que, en substance, les deux slogans désignent et incriminent un seul et même « coupable », la France : « coupable » jadis d’avoir annexé la Casamance dans le Sénégal, et « coupable » aujourd’hui de tous les maux du Sénégal.

L’on voudra bien remarquer, sous ce rapport, la facilité – la légèreté même ! – avec laquelle les « orphelins » de l’indépendantisme casamançais d’une part et les militants et sympathisants frustrés du MFDC d’autre part opèrent leur glissement, qui vers le PASTEF de Ousmane Sonko, qui vers le FRAPP de Guy Marius Sagna, qui vers les deux, tout à la fois ; tandis que, certainement, leur imaginaire leur suggère que, avec la lutte nouvelle, l’objectif demeure l’indépendance de la Casamance. De sorte que même le fédéralisme ou l’autonomisme que je prône avec mes ami(e)s depuis plus de deux décennies, notamment pour mettre un terme à la guerre de Casamance, reste inaudible pour eux. Ousmane Sonko n’est-il pas le « nouvel Emile Badiane » aux yeux du « général » César Atoute Badiate ?

Quoi qu’il en soit, il est une certitude en vertu de laquelle Ousmane Sonko veut devenir président de la République du Sénégal. Il n’aspire pas à présider aux destinées de la Casamance, ni même simplement du MFDC, cependant qu’il n’a d’obsession que la magistrature suprême du Sénégal, dont il se veut au demeurant le chantre du patriotisme. Alors que le leader du FRAPP, quant à lui, va solliciter les suffrages des Casamançais de Ziguinchor pour devenir député de la République du Sénégal.

Or, tout à coup, survient « l’affaire », la belle affaire pour les uns, la mauvaise affaire pour les autres, qui survient, donc, tel un orage, à la faveur duquel les eaux du ciel se mêlent aux eaux de la terre. Et dans leur course effrénée vers le fleuve ou la mer, ces eaux, qui vont se confondre en un même ruissellement, feront « l’actualité », l’unique actualité du moment. Elle deviendra bientôt « l’affaire », avec toutefois la particularité d’abolir nos sens, sinon nos sentiments, lesquels participent pourtant de nos valeurs.

Pour y voir clair, pour voir clair dans ces eaux troubles, il faudra des yeux experts, tandis que le Doyen des Juges devra mettre à disposition/contribution les siens.

J’ai dit « l’affaire », mais j’ai nommé « l’affaire Adji Sarr-Ousmane Sonko », qui contraste d’avec le « phénomène Sonko » dans la mesure même qu’elle en constitue un symbole en son apogée, ou en son paroxysme, c’est selon.

En fait, une « histoire de fesses » qui a manifestement mal tourné et que d’aucuns veulent transformer en une « affaire d’Etat ». Elle coûtera une première fois quatorze morts, puis trois morts la fois suivante, dans des manifestations aux allures insurrectionnelles ; sans compter les véhicules brûlés ou endommagés, les maisons incendiées ou saccagées, les magasins (Auchan) vidés ou saccagés voire incendiés, les stations d’essence (Total) incendiées, etc.

Ainsi, donc, le « phénomène Sonko » est, et le MFDC se meurt. Pour autant, est-il entendu que le Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC) s’est rendu ?

Tout laissait à y croire, du moins à y penser, quand, soudain, un malheureux incident survint, qui donna un formidable prétexte à l’Armée pour en découdre avec le MFDC. C’était le 24 janvier 2022.

Ce jour-là, en effet, une chasse de présumés trafiquants de bois, depuis le territoire gambien, avait conduit des soldats de la CEDEAO jusque dans le QG (quartier général) de Salif Sadio. Il s’ensuivit un accrochage lourdement meurtrier, plus sept prisonniers du contingent de la CEDEAO basé en Gambie, tous Sénégalais pour le coup, pris par les hommes de Salif Sadio. Ils seront très rapidement libérés, tandis que dès le 13 mars 2022, l’Armée va user, indûment en l’espèce, de son droit de laver l’affront, notamment en bombardant sans répit les bases du chef de guerre du MFDC.

Indûment, dis-je, puisque ce regrettable incident impliquait d’une part des soldats de la CEDEAO quoique de nationalité sénégalaise et d’autre part des combattants du MFDC.

Qui plus est, l’Armée va s’autoriser ce forfait exactement après que l’autorité concernée de la CEDEAO a présenté ses plates excuses au MFDC, suite à ce qui passait pour une méprise de la part des soldats de l’organisation sous-régionale, jurant au passage que cela ne se reproduirait plus jamais.

Aujourd’hui encore, je l’avoue, je n’arrive pas, mais alors du tout, à me remettre de ce que, à cette occasion-là, des frères (casamançais) ont appelé, urbi et orbi, avec une banalité on ne plus déconcertante, à tuer d’autres frères (casamançais), sans aucune autre forme de procès. Allez savoir pourquoi ?

Le 4 août 2022, alors même que toutes les attentions étaient braquées sur le ‘‘front nord du MFDC’’ de Salif Sadio, l’on apprenait la reddition du chef du ‘‘front sud’’, César Atoute Badiate, depuis Bissau, qui le fit ainsi, abusivement, au nom du MFDC.

Car, en réalité, César Atoute Badiate s’est rendu tout seul. Il ne s’est pas contenté de déserter le maquis, il s’est rendu. Cela a bien un nom : la déloyauté, au mieux ; ou, au pire, la trahison. Et en tant que le fait d’un « général », il s’agit d’une haute trahison.

Il faut croire, avec cette reddition inédite du « général », que le MFDC a coché toutes les cases de la division, du fractionnisme, des errements et autres échappées en solitaire et de la bêtise. N’est-il pas vrai qu’il est la Rébellion la plus bête au monde ?

Qu’à cela ne tienne, au MFDC, tout le monde veut être chef. Or n’est pas général qui veut. D’ailleurs, le « général » César Atoute Badiate semblait ne pas être au courant, quand il paraphait le 4 août 2022 à Bissau l’accord dit de paix et de dépôt des armes, qu’il signait sa reddition. Et il se rendit tout seul. Son arme ou ses armes le suivront-elles jamais ?

Ayant abandonné sa base de Cassolole pour des raisons de santé pendant des années ; terré, depuis, en Guinée-Bissau, notamment à Canchungo (c’est là que je le rencontrai pour la première fois dans la nuit du 24 au 25 août 2019, après une première tentative avortée le 14 avril 2014 près de Sao Domingo ; j’ai dû me contenter cette fois-là de rencontrer son « second couteau » ainsi que celui de Paul Aloukassine Bassène), César Atoute Badiate s’est ainsi coupé de sa base. Il y est même, désormais, interdit d’accès par le nouvel homme fort de Cassolole, Vieux Indrique.

Alors, non ! après 40 ans de guerre, la guerre de Casamance ; même les non-indépendantistes, j’allais plutôt dire surtout les non-indépendantistes, ne doivent accepter l’idée même d’une reddition du MFDC.

C’est une question de principe, de dignité et d’honneur, individuels et collectifs, et indissolublement réunis !

Il n’y a qu’une alternative à la guerre de Casamance : la négociation, en vue d’une solution politique et institutionnelle au problème politique et institutionnel de la Casamance. Si l’on sait, de surcroît, que dans l’histoire de l’humanité il n’existe pas de guerre comme celle de Casamance qui ne finisse autour d’une table de négociation.

Par conséquent, la reddition du MFDC ne saurait être la solution au Problème casamançais, sous aucun prétexte. Encore moins l’oubli de la guerre de Casamance !

Voudrait-on d’ailleurs l’oublier, cette guerre de Casamance, que l’on ne ferait en l’occurrence qu’aménager le lit de son exacerbation prochaine sinon imminente, aux conséquences insoupçonnées.

Or, de cela nous ne voulons point. Pas plus que nous ne voulons céder à la résignation.

Pour cela, j’appelle mes frères et sœurs du MFDC au sursaut.

Et je les appelle toutes et tous, au-delà de la simple prise de conscience, à l’action ; mais à l’action pacifique, avec et autour de ce qu’il reste du MFDC.

Feu le président du MFDC, l’Abbé Augustin Diamacoune Senghor, et moi-même, alors secrétaire général du MFDC, avons légué au mouvement une Plate-forme Revendicative.

Adoptée en tant que telle par des Assises du MFDC régulièrement convoquées à cet effet, cette Plate-forme Revendicative du MFDC fut consacrée par l’Etat (Monsieur Macky Sall, Ministre de l’Intérieur) et par le MFDC (Monsieur Jean-Marie François Biagui, Secrétaire Général) comme « le document de base des négociations ».

A ce jour, cet accord, ou ce protocole d’accord, n’est dénoncé par aucune des parties.

En vérité, la solution au Problème casamançais se trouve dans la Plate-forme Revendicative du MFDC.

Alors, souvenez-vous-en, frères et sœurs du MFDC, et hâtez-vous, toutes et tous, de vous approprier et d’actualiser ce bien précieux qu’est ladite Plate-forme Revendicative, pour que vive enfin ! la paix définitive en Casamance.

Dakar, le 23 décembre 2022.

Jean-Marie François BIAGUI
Président du Parti Social-Fédéraliste (PSF)
Ancien Secrétaire Général du MFDC

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