Crises du Néo-Coronavirus : Pour Qui Sonne Le Glas ? (Par Pathé Mbodje)

Partager l'article

La rhétorique a dominé le discours politique face à la crise du Covid-19 : la guerre, l’appel à la restriction des libertés par un sursaut désuet ont démontré les limites des puissances occidentales et la revanche des damnés de la terre qui ont mieux affronté la maladie. Ainsi, une cinquantaine de Sénégalais morts en terre étrangère, aux États-Unis et en Europe (Tribune n○ 2414 du 10 1avril 2019, page 7), cependant que, sur l’ancien continent, les praticiens de la santé ont pu contenir la mort, toutes proportions gardées, avec seulement deux décès au Sénégal, par exemple. L’Occident scientifique doit donc craindre plus  lui que pour le Tiers-Monde démuni : formés dans les mêmes universités, ceux du sud ont démontré une maîtrise supérieure, malgré la modicité des moyens locaux ; Hong Kong et le Sénégal en sont des preuves …vivantes avec des décès minimes, deux, pour ce pays africain, et quatre pour l’ancienne enclave britannique.

Ben oui, RESTEZ CHEZ VO

#HongKong 7,4 millions d’habitants, densité: 6.800 habitants/km² (68 fois celle de la France!). Seulement 600 cas de #COVID19 au 31 mars 2020. Et seulement 4 décès. Ils portent tous des masques. L’économie tourne presque normalement. IlS n’auront donc ni chômage ni déficit monstre.

Au niveau de la réflexion, on assiste également à la dispersion des théories, en scrutant une sortie de crises et ses conséquences prévisibles en oubliant que certaines remises en cause (la délocalisation, par exemple) n’entraînent pas nécessairement  une profonde mutation sociale : s’adapter à une situation n’est pas se réadapter, selon l’enseignement de Guy Rocher (Introduction à la sociologie générale, Montréal (Québec), Canada, Éditions H.M.H., 1968-1969) Le retour au statu quo ante fera le bonheur de l’humanité qui a survécu sans s’améliorer : l’Europe ne saurait se remettre en cause dans ses frontières actuelles sans créer un équilibre international préjudiciable.

Ainsi, l’alternative de Chomsky est sans espoir : un certain empirisme enseigne que les crises sont toujours suivies d’une période plus ou moins longue de restrictions des libertés individuelles et collectives ; il en est ainsi du krach boursier de 1929 qui a tracé la voie au nazisme et l’attentat de 2001 contre les tours jumelles a refroidi le Vent d’Est qui a initié une défiance envers l’autorité selon les projections des services des renseignements américains (Le monde en 2035 vu par la CIA et le Conseil National du Renseignement
Le paradoxe du progrès-Le rapport que Trump a trouvé dans le bureau ovale.
Équateurs  2017, 360 pages) Enfin, l’Américain Donald Trump et le Français Le Maire mettent une croix définitive au second terme de l’alternative de Chomsky et rejettent tout lien économique du Covid-19 qui nécessiterait un confinement ou un arrêt de la chaîne de production,  de transformation et d’écoulement.

«Lorsque nous aurons surmonté cette crise d’une manière ou d’une autre, les options disponibles iront de l’installation d’États brutaux hautement autoritaires à une reconstruction radicale de la société et à des termes plus humains, soucieux des besoins humains plutôt que du profit privé ».

Noam  Chomsky, entretien avec Srećko Horvat sur DiEM25 TV, 31 mars 2020

Passer du physique au spirituel 

Les points de vue dégagés ont oublié de donner à la maladie et à la mort leur fonction thérapeutique en permettant aux morts d’accéder au royaume des ancêtres par des funérailles pour le repos de son âme, mais permettre aussi aux proches de retrouver la paix de l’âme par le deuil rituel et l’accompagnement spirituel. Devant l’ampleur des décès, les cloches pouvaient continuer de sonner, soit le tocsin, soit le glas pour s’incliner devant la détermination des praticiens et malades à se maintenir en vie, comme l’ont compris plus vite les populations en initiant des séances journalières d’applaudissements en direction du corps médical : la société a encore une fois démontré une réalité que les scientifiques n’ont pas intégrée dans leurs conseils, celle de maintenir le lien avec les malades à travers les structures d’accueil pour se remonter mutuellement le moral en cas d’entropie sociale.

Certes, au niveau de la réflexion, on a senti plus l’anthropologue que l’appel du sociologue. Et c’est là la difficulté quand l’un extrait l’individu de la société et réfléchit plus en nature (sur le plan quantitatif) qu’en culture, la densité morale qui complexifie l’individu pris au sein de la société, le niveau qualitatif.

Les sciences sociales se sont très tôt invitées très tôt au débat. Au service du politique, le scientifique a d’abord voulu apporter une réponse immédiate, « un éclairage scientifique et réactif sur des questions précises et concrètes » de l’exécutif, comme l’organisation des élections municipales ou le niveau nécessaire de confinement ». On y sent plus le spécialiste de la société que le professeur Tournesol devant apporter une réponse médicale à un paradigme qui ne satisfait plus une communauté scientifique divisée par exemple sur le stade d’utilisation  de la chloroquine au cours des crises de la pandémie du Covid-19…pendant que les malades étouffaient.

L’anthropologue et le sociologue du conseil scientifique mis en place mercredi 11 mars en France pour éclairer le président Emmanuel Macron devaient aider les sciences sociales à démontrer l’obligation pour ce corps de se saisir du phénomène du Covid-19 ; la mise en place de fonds de recherches devait renforcer ceux qui se penchent sur la société dans leur conviction qu’ils doivent être de tous les combats (https://anr.fr/fr/detail/call/appel-a-projets-flash-covid-19/,  Code-virus@msh-alpes.fr).

Au Sénégal, les anthropologues et sociologues de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis ont également revendiqué le droit à la parole (La contribution des sciences sociales est indispensable dans la lutte contre la pandémie du COVID-19, 03.04.2020) : comme les journalistes, ils subiront le diktat de la dépêche dans une procédure qui vicié le travail de ceux qui réfléchissent sur la société  sans prendre le temps scientifique de la conquête, de la construction et du constat. Quelle fonction donc des sciences sociales donc en période de crise ?

Le sociologue devait anticiper sur la promiscuité,  base de tensions sociales (mondialisation, confinement, interdiction de visites dans les centres hospitaliers pour personnes âges dépendantes,  redéploiement des malades dans l’espace européen et leur influence sur une âme en deuil d’un idéal), ratant ainsi son rôle : l’individu est social ; dans sa vie comme dans la mort, il a besoin des siens et de sa culture pour l’accompagner.

L’anthropologie donne la substance à cet individu en en faisant un homme de culture  dans l’acceptation cultuelle du terme. Paradoxalement, ils veulent tous les deux donner un sens à la démographie réduite. Se parlent-ils, échangent-ils, soliloquent-ils ou définissent-ils une nouvelle appréhension de la réalité ? Le délai de 04 mois ne semble pas scientifiquement probant pour succomber à l’appel d’un changement social : il s’agit plus de s’adapter à une situation nouvelle que de se réadapter.

La fermeture des lieux de culte, lieux d’expressions de la foi, d’exorcisme de ses angoisses et d’imprécations pour solliciter les bénédictions a limité la réflexion : sonnez, tocsins, glas, mais sonnez quand même !

Pathé MBODJE, M. Sc,

 Journaliste, sociologue

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*