Les leçons de l’histoire, dit-on, si elles ne forment pas, pourrissent dans les mémoires obscures. Macky Sall quatrième président de la République du Sénégal, n’a pas eu la claire conscience du mécanisme qui a concouru à son avènement. Refusant d’admettre qu’il a été plus élu contre Abdoulaye Wade que pour lui-même. La déconvenue historique de sa coalition lors des législatives du 31 juillet 2022, trouve son origine dans cette mauvaise lecture de l’histoire. Et comme pour s’enfoncer davantage, ses partisans jubilent à l’image de la tête de liste Aminata Touré qui ose parler d’une « victoire nette et sans bavure ».
Curieuse manière de se rassurer après avoir fait un « grand bond en arrière », passant de 125 députés en juillet 2017 à 82 députés en juillet 2022, perdant chemin-faisant la majorité absolue. Au moment où l’opposition monte de 40 sièges à 83 sièges. Mais, à y regarder de prés, Mimi n’a fait que suivre la logique du 23 janvier 2022 quand Sall lui-même s’est très trop réjoui de la victoire de Benno Bokk Yakaar allant jusqu’à marteler, que cette coalition n’a même pas perdu là où elle n’a pas gagné.
Estimant que les localités comme Dakar, Thiès, Ziguinchor, Mbacké n’ont pas été contrôlées par le pouvoir. Piètre appréciation ! Pourtant, la posture idéale en janvier 2022, devrait être une introspection susceptible d’éviter des débâcles ultérieures. Un diagnostic lucide des résultats s’imposait pour savoir que cette « victoire » célébrée timidement n’en était pas une. Que c’était une victoire-défaite à l’image de celle de Pyrrhus roi de l’Antiquité qui était parvenu à battre deux fois les Romains dans le sud de l’Italie. D’abord à Héraclée, en 280 avant Jésus Christ ensuite à Ausculum. Mais à ceux qui le félicitaient, il répondait : « encore une victoire comme celle-là et nous sommes perdus ! »
Car, même si les troupes romaines étaient dévastées, elles pouvaient recruter de nouveaux soldats alors que la population de l’Épire était limitée.
D’ailleurs, Pyrrhus dut renoncer à conquérir l’Italie, raconte-t-on. Il a été raisonnable. L’histoire est aussi pédagogue. Pour ceux qui savent lire.
Élu avec brio en 2012, réélu confortablement en 2019, Macky Sall était si sûr de son fait qu’il décida de supprimer le poste de Premier ministre sous prétexte d’un « fast track » -qui n’aura pas été efficace- avant de se séparer de personnalités de grande envergure qui donnaient plus d’assise à son pouvoir. Voulant être « maître de lui comme de l’univers » à l’image d’Auguste dans Cinna, il parvint à convaincre Idrissa Seck de rejoindre le « camp de la victoire ». Le vent en poupe, le voilà qui met en exergue ses désormais 80 % de l’électorat avec des calculs si simplistes qui consistent à additionner les scores du premier et du deuxième à la présidentielle 2019. Une aubaine pour Ousmane Sonko le troisième.
Un président plusieurs fois averti…
Le pouvoir, dit Amadou Hampaté Bâ, est comme de l’alcool. Après un premier verre, on est joyeux comme un agneau. Au second, c’est comme si on avait mangé du lion. On se sent si fort qu’on n’accepte plus d’être contesté. On veut tout imposer à tout le monde, comme le lion dans la savane…
Les événements de février-mars 2021 ont rappelé que les choses n’étaient pas linéaires. Les manifestations massives et violentes pour défendre un opposant accusé de viol, illustraient à suffisance l’érosion d’une majorité et la perte de popularité en crescendo de son leader. Sonko a été sauvé de prison par des Sénégalais déterminés et fatigués par une conjoncture accentuée par la Covid-19 et ses effets pervers.
Sall avait déclaré avoir compris tout en posant des actes qui montraient qu’il n’avait rien compris. En réalité, aucune mesure sérieuse tendant à calmer la colère n’a été prise. Le même dispositif, les mêmes hommes, la même arrogance pour récolter les mêmes fruits amers. Dans les urnes en janvier et en juillet 2022, les Sénégalais ont affiché une aversion recuite contre une certaine manière de gouverner.
Un autre signal qui dépasse les histoires de manœuvres politiciennes en perspective. Le président de la République a, cette fois-ci, les éléments nécessaires pour faire une bonne lecture de la situation. Il est un homme plusieurs fois averti. Il peut éviter les poubelles de l’Histoire.
L’opposition doit aussi avoir le “triomphe” modeste. Car, à bien des égards, les deux dernières élections ont été beaucoup plus marquées par un rejet d’une gouvernance ni sobre ni vertueuse, en lieu et place d’une adhésion à un programme bien ficelé. Les attentes sont immensément fortes. Ce peuple, apparemment nonchalant, sait se faire respecter.
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