Certains proches de Macron en veulent à Macky Sall (Abdou Fall)

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Après une récente publication parue dans le journal le Monde du 8 aout 2023 , on pourrait être tenté de croire que certains amis du President français, Emmanuel Macron, en veulent bien au President Macky Sall et au Sénégal.

Sans doute peinent-ils à accepter de voir le président Sall réussir ses deux mandats et une belle sortie par le haut alors que le risque est grand pour eux de vivre, sous leur magistère, le plus retentissant échec politique de la 5 ème République française.

Nous avons toujours observé, avec une certaine sérénité, les événements politiques qui s’enchaînent ces dernières années dans nos pays. Il s’agit, notamment, de la montée en puissance de mouvements de type populo-fasciste. Nous n’avons jamais cessé d’y voir autre chose qu’une manifestation de la crise que traversent, partout à travers le monde, les démocraties dignes de ce nom, au rang desquels figure notre pays.

N’en déplaise aux activistes et nouveaux hérauts de la bonne pensance qui peuplent notre environnement public et médiatique.

Profitant des possibilités qu’offrent nos régimes de libertés , des forces obscures de toutes natures s’invitent dans l’espace public pour développer des courants politiques dits ” anti système ” . Leur but avoué est de mettre en ruine les fondements du modèle de démocratie représentative et tolerante que les sociétés attachées aux valeurs de libertés ont mis des siècles à bâtir.

Dans cette famille politique, le Sénégal et la France, par une longue histoire partagée , présentent des points de similitudes dans les types de crise qu’ils traversent auxquels nos équipes dirigeantes apportent des réponses différentes selon les tempéraments et le génie propre à chaque société et à la personnalité des hommes qui les gouvernent .

Avec les Gilets jaunes , le lépenisme et le mélenchonisme , la France est en perpétuelle zône de tempêtes. Le pays vit la permanence, depuis plusieurs années, de logiques de défiances systématiques sur fond de violences politiques entretenues par des extrêmistes ultra radicaux de toutes obédiences . Avec un front parallèle , celui des lourds conflits sociaux occasionnés , entre autres , par un mode de gouvernance de type Jupitérien , rigide et particulièrement directif .

Une forme d’autoritarisme d’un autre âge que personne n’attendait de l’actuel locataire de l’Élysée et de ses amis .

Cette situation plonge aujourd’hui la France dans une crise politique et sociale sans précédent. Et cela pose , de façon objective , la remise en cause fondamentale du type de régime hérité de l’époque du Général Charles ge Gaulle .

La configuration actuelle de l’Assemblée nationale française la met objectivement en état de précarité . Le recours systematique à la loi 49/3 , le vote par ordonnance , est devenu la règle pour délibérer sur tous les sujets à enjeu .

La nécessité de faire face, dans ces circonstances, à des mouvements de rues devenus la règle avec les violences politiques qui les accompagnent , oblige le gouvernement français à revisiter toute sa doctrine en matière de politique de maintien et de rétablissement de l’ordre public . Les autorites du pays sont condamnées à recourir à des mesures radicales de plus en plus porteuses de sévères conflits face à une jeunesse urbaine particulièrement portée à des radicalités extrêmes . Au point d’ailleurs que des procédures de dissolution sont en cours de mouvements et associations qu’aucune République digne de ce nom ne peut tolérer en démocratie. En sus d’arrestations massives de manifestants casseurs et de procès aux peines diverses.

Il est par conséquent curieux , voire amusant, que ce soit des hommes politiques de ce même pays , au surplus des officiels , qui prétendent refuser au Sénégal le droit de prendre des mesures similaires afin de mettre un terme définitif à des actes et des propos de loin plus irresponsables , plus violents et assumés en public et suivis de conséquences désastreuses de morts d’hommes , pour l’essentiel des adolescents et des enfants jetés en pâture dans la rue . Des mesures par les moyens des voies de droit que nous confère la constitution de notre pays ..

Notre expérience de la chose publique durant ces trente dernieres années nous autorise une certaine lecture des prises de position de certains dirigeants actuels de la France . Pour en avoir frequenté un bon nombre parmi eux , de générations et d’obédiences politiques diverses . On est aujourd’hui frappé par l’ignorance manifeste de la plupart des dirigeants actuels de ce pays des réalités exterieures à leur environnement , y compris dans leur propre pays . Ce qui justifie cette rupture aussi radicale entre le régime qu’ils incarnent avec une large fraction de leur opinion publique et des segments parmi les plus représentatifs de la société française .

Plus grave encore est leur méconnaissance notoire de l’Afrique contemporaine qui reste à leurs yeux le concentré des misères du monde avec toutefois l’outrecuidance d’être dépositaire de l’essentiel des ressources qui font la prospérité des nations industrialisées . Une réalité qui les conforte d’ailleurs , et ils n’ont peut être pas toujours tort, dans l’idée qu’ils se font des africains. De leurs élites notamment. Et sans discernement. Et c’est là où ils se trompent . Et lourdement !

La petite bourgeoisie française ” Paris , rive gauche ” qui gouverne la France de nos jours , certes brillante mais sans plus , et profondément européeo-centriste , est loin d’être à la hauteur des enjeux du nouveau monde en gestation , au regard, notamment, des mutations profondes en cours sur le continent africain, dans son espace francophone en particulier.

Il est sans doute utile de leur rappeler, s ‘ils le savaient déjà, que le Sénégal est un des rares pays de l’espace francophone, la France comprise , à avoir connu une continuité constitutionnelle depuis la 2 ème république française par sa présence à l’Assemblée constituante de 1848 , où le sieur Durand Valentin , ancêtre de Christian Valentin , lui même député Sénégalais sous plusieurs législatures , était représentant élu de la colonie du Sénégal au Palais Bourbon .

Même la France n’a pas vécu le privilège de cette continuité rompue par le douloureux épisode du conflit Algérien suite à la révolte de nombre de ses généraux , ayant entrainé l’effondrement de la 4 ème République.

Il lui a encore fallu le génie et le courage politique du général Charles De Gaulle pour remettre leur pays à l’endroit .

L’éditorial non signé du Monde du 8 août 2023 est allé bien loin en sous-entendant l’avènement d’un régime totalitaire au Sénégal en référence aux pouvoirs miltaires qui s’installent dans certains pays de notre sous-région ouest africaine . Notre « faute » étant que l’ autorité de notre Etat s ‘est exercée pour mettre un terme à des dérives et rétablir la République dans sa dignité . Le doute n’est plus permis . Nos plumitifs de Paris posent là un acte pour le moins inamical à l’egard du Sénégal .

Il convient de rappeler à cet égard que l’Etat Sénégalais colonial était conçu pour exercer son magistère sur tous les pays de l’espace de l’ex Afrique occidentale française ( AOF ) . Par le hasard de l’histoire, nous en avons hérité. Avec le socle d’une armée d’élites , républicaine et professionnelle disposant à tous les niveaux de la hiérarchie , de cadres formés dans les plus grandes écoles militaires et institutions universitaires du monde . De grâce, gérez vos projets et ambitions politiques et politiciennes comme vous voulez , mais gardez nos forces de défense et de sécurité en dehors de vos délires et opérations tactiques sans lendemain.

Ce discours est d’autant plus mal venu qu’il est totalement à contre courant de la tendance lourde dans l’opinion nationale et internationale qui va plutôt dans le sens du plébiscite du President Macky Sall après sa déclaration historique du 3 juillet 2023 de renoncement à une 3ème candidature . Une décision de dignité prise par éthique de responsabilité et par attachement sacré au respect de la parole donnée.

Cette France qui nous menace de ses foudres n’est pas la France de la République , de la raison et de la démocratie. C’est la France des jeunes fonctionnaires de la mondialisation pour qui tout se mesure en termes de ratios , formatés qu’ils sont dans une culture de pré-carré qui n’est plus de saison .

La France capable de se réconcilier avec l’Afrique, notamment ses élites et sa jeunesse sera la France de la lucidité et de la générosité capable d’aller dorénavant vers une coopération de type nouveau, fondée sur l’équilibre des avantages dans le cadre de partenariats de nouvelle génération et dans une perspective bien comprise et partagée de co-développement . C’est cette France lucide et humble qui sera capable de tirer profit et trouver source d’inspiration dans le modèle Sénégalais qui, sans prétention ni fausse modestie , contient un énorme potentiel d’innovations dans le processus de construction d’une authentique démocratie délibérative et participative . Il y’a bien les leçons utiles à tirer de la pratique institutionnalisée de la consultation de personnalités de bons conseils , de la concertation et du dialogue politique entre les forces vives de la nation comme moyens de prévention, de traitement et de gestion des conflits dans l’espace politique et social .

Nos bien pensants de “Paris rive gauche” seraient inspirés de faire école à l’exemple Sénégalais du dialogue politique institutionnalisé qui a rendu possible la reconfiguration du bloc politique et social qui redonne sens au pacte républicain . Ce pacte renouvelé sur lequel notre pays a toujours fondé sa trajectoire historique de construction démocratique de son développement économique et social.

Le Président Macky Sall aura marqué sans conteste sa présence à la tête de l’Etat du Sénégal pour avoir sans cesse appelé à la renégociation des termes d’un nouvel ordre international dans le sens de promouvoir un monde plus juste , plus social, plus solidaire . La persistance des inégalités à l’intérieur des nations et entre les nations étant le plus puissant facteur de provocation des colères citoyennes de nature à engendrer de nouvelles formes de révoltes de plus en plus violentes . Avec des inégalités économiques et sociales aussi criardes que rien ne justifie et un modèle de démocratie représentative objectivement à bout de souffle , c’est le moment de repenser les enjeux de gouvernance et de développement dans une perspective de communauté de destin . C’est à notre avis la seule perspective viable pour un monde de paix qui sera nécessairement corrolaire à un monde de justice.

Sous ce rapport , le Sénégal fait figure , qu’on le veuille ou non , de pionnier autant dans son attachement à la promotion d’une société de progrès dans la liberté que dans l’effort constant de formulation et d’institutionnalisation de la concertation et du dialogue politique comme modalités de traitement des différends dans notre société.

Une nation digne de ce nom reste en toutes circonstances intraitable sur la défense de la République, de la démocratie, de l’Etat de droit , de l’autorité de l’Etat, de l’unité et de la cohésion nationale . Ce que le gouvernement du Sénégal s’attache à défendre sans faiblesse aucune . Une nation lucide , c’est aussi celle qui prend conscience des fortes aspirations citoyennes au renouveau dans tous les domaines. Nous avons la chance d’avoir hérité d’une nation construite sur des équilibres séculaires . Un Sénégal fort de son unité mais riche de sa diversité. Une société de tolérance où la convivialité est un art de vivre . Un pays qui trace sa voie de progrès dans la démocratie, où on est convaincu que développement n’est pas antinomique avec respect des libertés mais dans la responsabilité partagée. C’est tout ce leg que nous avons la responsabilité historique de protéger , de conserver, de consolider et de transmette . C’est la conscience partagée de cette responsabilité commune qui donne sens au dialogue national et aux brillants résultats qui en sont issus . Le bloc républicain, produit de la dynamique du dialogue , porte sur ses épaules la responsabilité historique de la préservation de cet héritage que nous avons en commun pour faire de l’échéance 2024 le grand moment d’un bond qualitatif pour un Sénégal du renouveau .

La seule réponse pertinente que nos pays peuvent apporter à l’arrogance de certaines élites des pays riches , c’est la conscience de notre devoir de dignité qui se défend par notre capacité à prendre par nous mêmes nos propres destins en main . Entre le discours puéril de “France dégage ” et le paternalisme tout aussi puéril de la bureaucratie parisienne, il y a bien de de la place pour la vision partagée d’une nouvelle responsabilité à bâtir un monde juste et solidaire.

Par Abdou Fall

Ancien Ministre d’état

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