Pour répondre à cette interrogation qui taraude aujourd’hui l’esprit des Sénégalais et des observateurs étrangers, il est nécessaire de rappeler le contexte historique qui a vu naître le mouvement qui porte cette date, le M23, les objectifs de ce mouvement, son évolution ultérieure et ses défis d’aujourd’hui.1)
Le contexte historique.
Ce contexte était marqué par l’avènement d’une large coalition politique de l’opposition au régime du Président Wade, dénommée « Benno Siggil Senegaal » (BSS), qui a été mis en place à l’issu de l’adoption des « Conclusions des Assises Nationales du Sénégal » de 2008 et de la « Charte de Bonne Gouvernance Démocratique », pour leur mise en œuvre.Cette coalition s’est vite montrée comme un sérieux adversaire politique au régime du Président Wade, à l’issu des Locales de 2009, où son Parti, le PDS, a essuyé une cuisante défaite dans les grandes villes du pays, y compris Dakar, la Capitale du Sénégal. C’est ainsi que les nouveaux rapports de force politique entre pouvoir et opposition, en perspective de la Présidentielle de 2012, remettaient en cause le projet du Président Wade, de garder le pouvoir cinquante ans durant, à travers sa formation politique. C’est pour cela qu’il entreprit de réformer la Constitution pour la retailler en sa faveur, avec l’introduction de la suppression de facto de l’élection présidentielle à deux tours, qui lui avait permis d’accéder au pouvoir, en instituant un « Vice-Président », nommé par le Président à élire au suffrage universel direct, disposant du plus fort score, adossé à un « quart bloquant ».Ainsi, le Président candidat est déclaré élu au premier tour, avec une majorité simple au-delà de 25% du suffrage exprimé.
Ce projet de révision de la Constitution allait matérialiser le projet du Président Wade de réformer la « République Démocratique » du Sénégal, en un « Despotisme éclairé » ou un « Césarisme démocratique », qu’il avait théorisé à l’issu des Locales de 2009. Il avait ainsi conscience que la « République Démocratique » dans un régime présidentiel, limite nécessairement le nombre de mandats du Président élu, pour éviter d’en faire un « monarque », de par sa nature de régime « autocratique de pouvoir personnel ». Compte tenu de son objectif de garder le pouvoir durant cinquante temps à travers son Parti politique, il lui fallait changer la Constitution pour la rendre compatible avec la nature du régime présidentiel, en instituant un « Césarisme démocratique » comme Kagamé a réussi à le mettre en place après le génocide Rwandais.C’est pour contrer cette dérive « monarchique » de la République Démocratique du Sénégal, que le peuple, à l’appel de BSS et d’organisations de la Société civile, s’était puissamment mobilisé autour du mot d’ordre « Touche pas à ma Constitution », obligeant ainsi le Président Wade à retirer son Projet de réforme de la Constitution.
C’est à l’issu de cette grande victoire populaire, que le « Mouvent du 23 Juin » (M23) a été mis sur pied, comme mouvement de « veille permanente », pour défendre la nature républicaine et démocratique de l’Etat du Sénégal. Mais le Président Wade, estimant avoir perdu une bataille et non la guerre, avait décidé de briguer directement un troisième mandat, malgré les dispositions qu’il avait introduites, bien avant, de limitation des mandats présidentiels à deux, dans la Constitution. C’est cette nouvelle tentative de garder le pouvoir en violation de sa propre Constitution, qui a redonné au M23 de la matière pour se remobiliser afin de s’y opposer, autour d’un nouveau mot d’ordre « Non au 3ème mandat » ! Cependant, malgré la forte mobilisation populaire, occasionnant une répression sanglante ayant entraîné plus d’une dizaine de morts, autour de ce mot d’ordre, le Président Wade a vu le Conseil Constitutionnel valider sa candidature à un 3ème mandat, à la Présidentielle de Février 2012.Mais, c’était peine perdue, et sacrifices humains inutiles, puisque, c’est le peuple souverain, à travers l’expression de son suffrage, qui le lui a refusé démocratiquement en Mars 2012, à l’issu du second tour de la Présidentielle.2) Evolution du M23A l’avènement de la seconde alternance démocratique connue dans l’histoire du Sénégal indépendant, le M23 avait décidé de quitter son statut informel qui faisait qu’il ne pouvait pas appeler en son nom propre à une manifestation publique légale, sans passer par l’intermédiaire d’un Parti légalement constitué.
Ce handicap congénital fut réglé avec l’octroi de récépissé de reconnaissance légale délivré par le Ministère de l’Intérieur, au M23, qui s’est doté de statuts, d’un Bureau, d’un règlement intérieur, et d’un Code de conduite, et d’un siège équipé pour être plus indépendant dans ses activités et dans son fonctionnement. Mais le M23 traversait un malaise profond entre ceux qui veulent qu’il reste dans son domaine de « veille permanente » du respect de la Constitution qui a doté le Sénégal d’un Etat Républicain Démocratique et Laïc, et ceux qui veulent lui faire jouer le rôle de « veille de l’application des « Conclusions des Assises nationales » et de la « Charte de la Bonne Gouvernance Démocratique », que le « Mouvement des Assises Nationales du Sénégal » a dévolu à un « Comité National de Pilotage » (CNP), qui a élu en son sein un « Bureau » et désigné un « Comité de suivi ». Cette tentative d’usurpation des fonctions dévolues au CNP, par des membres du M23 qui n’en font pas partie, a paralysé les activités dévolues à ce dernier, lorsque le Président Macky Sall a renoncé à sa promesse électorale de réduire son mandat de 7 ans à 5 ans, sans violer, pour autant, la Constitution qui dispose que son mandat est de 7ans. Le M23 n’avait donc aucune légitimité pour combattre cette décision du Président Macky Sall, qui n’a pas respecté la décision de BBS, auquel il appartenait, de réduire, en cas de victoire, le mandat du Président de la République à 5 ans, en réformant la Constitution héritée du Président Wade, à l’issu d’une Transition que certains voulaient de 3 ans, mais finalement retenue pour 5 ans. Mais le gros problème de BSS, a été son incapacité à s’accorder sur une réforme cde la Constitution, jusqu’au jour de la Présidentielle de Février 2012, où les candidats issus de BSS et d’autres Parties prenantes des « Assises Nationales », sont allés en ordre dispersé, chacun avec sa lecture de ses recommandations de réforme institutionnelle.
En effet, les « Conclusions des Assises nationales » recommandaient une Réforme où le Président de la République élu au suffrage universel direct, ne détenait plus le Pouvoir Exécutif qui revenait au Premier Ministre désigné par la Majorité à l’Assemblée nationale. C’est donc une coexistence de deux régimes politiques irréconciliables : à savoir, le régime présidentiel et le régime parlementaire.C’est cette contradiction de fond, qui a empêché BSS de se doter d’une Constitution consensuelle, en laissant chaque composante à sa lecture des « Conclusions des Assises Nationales ».Le Président Macky Sall et son Parti, faisait partie de ceux qui ne voulaient pas d’un régime parlementaire, et a conservé le régime présidentiel hérité du Président Wade, avec l’Accord du CNP et de BSS, en attendant de terminer les concertations pour réformer la Constitution. Ainsi, en l’absence d’un consensus sur la réforme des Institutions, le non- respect de l’engagement BSS de limiter la durée du mandat hérité de Wade à 5 ans au lieu de 7 ans, ne pouvait lui être reproché par ses pairs de BSS et ses compagnons des « Assises nationales », ni par le M23, pour violation de la Constitution.
Même après les propositions d’un « Avant- projet de réforme des Institutions » faites par la « Commission Nationale de Réforme des Institutions » (CNRI), instituée par le Président Macky Sall, et présidée par le Président des « Assises Nationales », le Professeur Amadou Makhtar Mbow, le CNP n’ a pas mobilisé l’opinion pour leur adoption, et le M23, qui n’avait aucune qualité à le faire s’est pourtant littéralement déchiré sur la question. C’est pour cela, que, lors de la promulgation du Projet de réforme de la Constitution à soumettre au peuple, par référendum en 2016, pour son adoption, le M23 ne s’est véritablement mobilisé que pour défendre la nature républicaine, démocratique de l’ Etat, qu’il porte, pour appeler à voter « OUI », afin de mettre en échec, tous ceux qui dans l’opposition politique, dans la société civile, se sont ligués avec les islamistes radicaux qui appelaient à supprimer la « laïcité de l’Etat » , en votant « NON», sous prétexte que ce projet de réforme visait à « légaliser l’ homosexualité » ! La victoire éclatante du « OUI » a sauvé la nature républicaine démocratique et laïque de notre Etat, tout en donnant plus de crédit au M23 dans sa fonction de « veille permanente au respect de la Constitution », à la grande déception de ceux qui veulaient en user pour combattre le gouvernement du Président Macky Sall.
3) Les défis du « M23 » d’aujourd’hui
Avec autant de titres de noblesse auprès de l’opinion publique nationale et internationale, tous ceux qui ont rêvé en vain, de faire jouer au M23, le « rôle d’alerte », qui pourtant revient aux organisations et aux Personnalités de la société civile, ou les « fonctions de suivi de la mise en œuvre des Conclusions des Assises nationales » à la place du CNP, se sont, ou bien convertis en « activistes », ou se sont autoproclamés « médiateurs » entre le pouvoir et l’opposition , pour, tous les deux, se donner une meilleure visibilité auprès des « Organisations Non Gouvernementales Internationales » et de leurs Etats. C’est ainsi que les « activistes » ont vainement tenté de ré éditer le « 23 Juin », en essayant de mobiliser de façon pacifique, les populations dans leurs luttes contre le pouvoir, sans succès aucun, les poussant même par dépit, à traiter le peuple de « lâche » !
Mais avec les évènements du 3 au 8 mars 2021, que le peuple a découvert, ahuri, et le monde surpris, leur nature violente, destructrice, anti républicaine et anti démocratique. En effet, en voulant par la violence, prendre le pouvoir par la « Rue » et non par les « Urnes », et en se mobilisant pour soustraire de la Justice un des leurs, le Président de Pastef qui est accusé de viol par une jeune Dame dans un « Salon de Beauté » à Dakar, les « activistes » et leurs alliés politiques, ont montré leurs limites sociales, en tournant le dos à la République Démocratique qui est basée sur l’expression démocratique du suffrage du peuple pour l’accès au pouvoir, et à l’Etat de Droit, dans notre pays, qui sont garantis par la Constitution.
C’est pour cela, que le M23 ne peut que s’opposer à ces gens qui violent la Constitution du Sénégal, au prétexte de « Défendre la Démocratie et les Libertés » ! C’est pour parer à cette tournure des évènements, que les « activistes » et leurs alliés, regroupées au sein du « Mouvement de Défense de la Démocratie » (M2D), ont tenté d’usurper l’honorabilité du M23, en projetant de commémorer le dixième anniversaire de la date historique de la journée glorieuse du 23 juin 2011, à travers un grand rassemblement dans un quartier de Dakar. Mais, pour éviter cette usurpation de « titre » et la confusion dans les esprits, le M23 a appelé le peuple à un vaste rassemblement ce 23 juin à la Place de la Nation, qui est le lieu symbolique de toutes ses manifestations publiques.Ce faisant, le M23 sait désormais qu’il a en face un adversaire, le M2D, qui est mobilisé pour violer la Constitution du Sénégal.C’est ce défi qu’il lui faut relever avec panache, pour défendre la nature républicaine, démocratique et laïque de l’Etat que lui confère la Constitution du SENEGAL.
Tous à la Place de la Nation pour dire NON, aux usurpateurs !
Ibrahima SENE PIT/SENEGAL
Dakar le 22 juin 2021
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