Mamadou Diop Decroix sur les élections : “L’absence de Me Wade et de Karim a été un handicap pour Wallu”

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Mamadou Diop Decroix, invité du Grand oral sur Rewmi Fm, a exprimé ses quatre vérités sur la fixation de la caution et le parrainage. Deux filtres pour réduire le nombre de partis lors des Législatives. Pour lui, c’est du rafistolage.

Rewmi: Les débats se sont ouverts sur la caution, quelle devrait être la somme à fixer ?

Je ne saurais le dire car j’ai été représenté à cette rencontre et j’attends le compte rendu de notre représentante. Mais les élections au Sénégal posent de sérieux problèmes à l’opposition et coûtent trop cher si bien que ceux qui sont élus en général, si vous regardez le portefeuille des uns et des autres, ce sont les plus riches qui sont devant etc. Les programmes n’entrent pas en ligne de compte dans le débat et c’est un problème. Ils ont ajouté le parrainage et la caution, deux filtres qui verrouillent tout. La démocratie a des principes fondateurs à travers l’humanité. Les partis ne sont pas financés dans un pays où les gens n’ont pas les moyens. C’est dommage aussi et la réponse principale c’est qu’il faut réinventer notre système électoral.
On crée un certain corporatisme politique avec des gens qui sont exclus…

En 2014, on avait 2700 listes aux Locales et le pouvoir à l’époque avait dit qu’il y en avait trop et qu’il faut ajouter la caution avec 15 millions. En 2022, on a 3000 listes et les choses n’ont pas été réglées. Ceux qui ont de l’argent participent sans vision de société. C’est du n’importe quoi. Il faut laisser nos compagnons en débattre car ce sont des experts aussi. Mais ce sera du rafistolage.

Quel bilan tirez-vous de votre participation aux Locales ?

Nous sommes très satisfaits de notre participation avec Wallu qui a été montée très vite. Donc la coalition n’a pas eu de très bons résultats. Wade étant absent, de même que Karim aussi, ce fut un handicap. Nous nous sommes mis d’accord en allant ensemble. On avait au départ 200 communes en ligne de mire, mais vu les lourdeurs administratives, des camarades n’ont pu se présenter. On aurait pu avoir des maires, mais 80% des cadres sont des jeunes sans expérience et cela a joué dans l’élaboration des listes. Ce qui a fait que nous avions perdu des communes. Mais nous avons des conseillers pour renforcer l’appareil politique. Au niveau de l’opposition, on parle de percée, les gens du pouvoir ne reconnaissent pas la défaite, malgré une baisse de leurs élus. Il y a du boulot dans les deux camps et c’est ouvert pour juillet 2024.

Quelle est la meilleure stratégie pour faire mieux ?

Il faut s’unir davantage et ce n’est pas évident, car des gens qui ont annoncé une grande coalition et les Législatives seront regardées avec la Présidentielle. Dans l’opposition, il y a beaucoup de candidats. Il faut de la maturité pour une liste, mais je déplore qu’on se limite à la problématique de dégager le pouvoir. Il faut aller au-delà. Les gens sont au stade de « folli », avec Wade dégage et il est parti. Il faut vraiment que les leaders politiques travaillent sur la majorité mais après des transformations qualitatives dans ce pays-là.

A Guédiawaye, il y a impasse et blocage. Qu’en pensez-vous ?

C’est le vote aussi du maire avec le suffrage universel direct. C’est une nouveauté car on a combiné cela avec un autre type de suffrage. Ce qui entraîne une configuration dans les communes comme Guédiawaye où le maire est arrivé en tête. Les communes sont de plein exercice certes mais restent minoritaires. Dans des cas comme ça, il faut la culture de la concertation. Ce qui ne cadre pas avec notre pays. Notre conception c’est du manichéisme : soit on est blanc ou noir. Et en plus de cela, si on était blanc ou noir, ce serait un débat riche, mais c’est le contraire et cela vole au ras de pâquerettes. Mais il faut aussi que les gens discutent, Ahmet Aïdara est obligé de le faire. On aura le pluralisme et la diversité dans la ville. Il y aura un blocage et le risque d’une délégation spéciale. Aliou Sall a fait monter les enchères. Dans les autres pays, c’est comme ça et c’est la décision des électeurs qu’il faut lire avec cette volonté populaire. Les autres aussi sont élus au même titre.

Le stade inauguré récemment porte le nom de Wade. Cela traduit-il un rapprochement avec Macky ?

J’apprécie l’acte posé, il est positif. On doit avoir cette culture et je suis pour une gestion rigoureuse du pays et non pour le laxisme. Mais pour cela, il faut réinventer la justice afin qu’elle fasse son travail et en toute indépendance. Si c’est un rapprochement, où est le problème ? Je cherche à renforcer mon parti et avec des gens qui pourront sortir du néocolonialisme.

On parle de rapprochement avec ces velléités pour le Pds de rejoindre la majorité ?

Si le Pds rejoint la majorité, cela ne remet rien en cause et cela s’en portera que bien. Mais l’un ou l’autre, ce ne sont pas les déplacements de plateaux sur l’échiquier, mais ce sont les populations qui décident. J’ai été invité et je sais où je vais. Je ne peux pas être avec Macky et je ne suis pas avec sa manière de conduire le pays, c’est clair et c’est net. Est-ce à dire qu’il a parlé avec Macky ? Je pense que ce sont des détails et j’ai dépassé ce stade.

Il y a baisse des prix sur les denrées, la coupe d’Afrique etc. Macky est-il en train de comprendre le message des jeunes ?

Alors ce que je sais, c’est que la communication est mauvaise. Quand on baisse, on dit que le Président a décidé de baisser. Cela veut dire que quand le prix augmente c’est lui. On a une conception politicienne de l’économie et cela ne se règle pas par des décrets et des arrêtés. S’il est capable de baisser les prix, pourquoi ne doit-il pas baisser carrément le prix ? Je raisonne selon l’économie libérale, mais les choses ne devraient pas marcher ainsi. Il faut régler la question de l’autosuffisance, nous sommes en 2022 et on importe près de 100 milliards de FCFA par an pour le riz. 600 milliards de produits alimentaires par an, c’est trop. Il faut trouver des solutions.
Le pays a vécu de bons moments, cela pourrait-il lui permettre de redorer son blason lors des prochaines joutes ?
Je ne me suis pas posé cette question car cela n’est pas mon rôle. Cette logique, je n’y suis pas. Je veux ce qui est bien pour le Sénégal. Si Macky peut les régler, c’est bon. Pourquoi vouloir qu’il échoue ?

50 milliards de perdus, selon l’Etat, cela peut-il impacter sur le budget ?

Un budget c’est un choix aussi, des recettes et des dépenses. J’ai dit à Abdoulaye Daouda Diallo que c’est sa conception du développement qui doit changer. Le budget progresse d’année en année. Même s’il multiplie par 10 et qu’il ne change pas l’approche de la conception économique, on n’y arrivera pas. On parle d’abris provisoires. Il y a combien d’enfants non scolarisés ? On parle de 2 millions. Il faut changer l’approche de l’éducation. De toute façon, tout est priorité dans ce pays. L’école, la santé, la pêche, l’élevage etc. Donc il faut repenser tout cela. C’est fondamental de diminuer le train de l’Etat. Ce serait un exemple pour le peuple. Il y a cette gabegie du pouvoir. Si les gens savent où va leur argent, de manière transparente, ce serait bien. Cela dissiperait les craintes, les doutes. Mais si la gestion est à vau l’eau, bonjour les dégâts.

Pour l’école, 5 syndicats sur 7, ont signé, est-ce le bout du tunnel ?

J’insiste pour que les enfants aillent à l’école et qu’il y ait moins de grèves dans les écoles. C’est fondamental et il faut créer avec les syndicats une plateforme et des concertations, pour éviter les grèves. Des accords signés mais non respectés, il faut aussi beaucoup de rigueur. Il n’y aucune rigueur dans la gestion du pays et c’est le pays qui est sacrifié. Je souhaite que le gouvernement et les syndicats trouvent un accord.

Au Mali, la situation vous semble-t-elle tendre vers une nouveauté ?

Au Mali, il y a le système néocolonial que nous dénonçons, nous le combattons depuis des années. Regardez les anciennes colonies britanniques, les Anglais sont partis. Mais c’est la France qui ne veut pas partir. Les Portugais ont été chassés et ils sont partis, les Français font semblant et rentrent par la fenêtre avec la complicité de chefs d’Etat. Ce système est en train de vivre sa phase terminale au Mali. Ce système est fini historiquement et les Français n’ont pas compris et c’est dommage. Je parle du système France-Afrique. Les Français n’ont pas compris et cela engage toute l’Afrique. Il faut remettre de l’ordre et le pouvoir de transition dit avoir un programme et reste prêt à discuter. La Cedeao a mis le Mali sous embargo, Macky a laissé faire et c’est ce que je condamne. Le Sénégal perd avec la percée du port de Nouakchott, de même que celui d’Abidjan. Nous sommes le dindon de la farce. Techniquement des composantes du chronogramme sont là, mais la CEDEAO risque d’être humiliée.

On parle de redéploiement de la France dans d’autres pays ?

La France ne voit pas ce qui lui arrive. Les Français ne peuvent ni comprendre ni analyser. Ils sont chassés du Mali et veulent se redéployer. Mais les jeunes aussi risquent de réagir car il faut que la France renonce et admette que ce sont des peuples qui doivent assumer leur souveraineté. Ils ne sont le chef de personne, les peuples doivent être souverains et libres.

On assiste à l’attaque de la Russie Ukraine. Quelle analyse par rapport à l’Europe ?

L’Europe a joué et a perdu. En réalité, il faut les choses telles qu’elles sont. En 62, les Russes avec Kroutchev avaient réussi à installer des têtes nucléaires à Cuba, Kennedy a menacé de bombarder l’Urss. Une formule a été vite trouvée. Ce qui s’est passé alors, c’est ce qui se répète et c’est ce que Poutine refuse aussi. Ils ont mis Zelenski et puis ils l’ont lâché. Ils n’ont jamais tenu l’Ukraine pour le lâcher. Ils pensaient que Poutine n’irait pas jusque-là, mais c’est le peuple du monde qui en pâtit. C’est l’impérialisme et des gens pensent qu’ils doivent vivre du sang des autres. Aussi longtemps que ça marchera comme ça, les peuples vont résister. L’Afrique sera le prochain front car l’avenir, selon eux, c’est l’Afrique. Le message de la jeunesse africaine est à saluer.

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