Après annonces bruyantes par affiches placardées à travers la ville et autres annonces par la presse, le Président de la République a présidé le 28 Octobre la cérémonie de lancement des travaux du Bus Rapid Transit (BRT).
Après le Train Express
Régional (TER), une démonstration technologique à la française encore inachevé,
voilà qu’arrive un autre éléphant blanc du régime qui démontre encore une fois
l’ignorance des priorités et le gaspillage persistant des deniers publics dans
notre pauvre pays.
BRT, dit aussi bus à voie réservée, est une infrastructure
routière particulière qui sera érigée sur un linéaire de 18,3 km en vue de
rallier le centre-ville de Dakar à la ville de Guédiawaye. Cette liaison va
desservir 23 stations fermées et la durée du parcours entre les deux stations
terminales serait réduite de moitié. Selon le Conseil Exécutif des Transports
Urbains de Dakar (CETUD) mandaté par l’Etat pour remplir les fonctions de
maitre d’ouvrage, 144 Bus articulés circuleront sur ce tracé. D’un coût global
estimé à 296 milliards de francs Cfa, ce projet d’infrastructure, qui s’inscrit
dans le cadre du fameux Plan Sénégal Emergent, a été entre autres financé par
des crédits accordés par la Banque Mondiale et de la Banque Européenne
d’Investissement. Il convient de rappeler que ceci n’est pas leur coup d’essai.
En effet, un projet similaire a été proposé au Ghana, et s’est soldé par un
échec qui reste toujours à travers la gorge des populations locales. Tous les
bus ont été parqués, un an après leur mise en service, se nourrissant de
poussière, comme notre bien-aimé TER. Toujours est-il que le coût de ce projet
au Ghana est 3 fois moins cher (51 milliards) pour un tracé plus long (20km) et
plus de bus (245).
Qu’est ce qui explique
cette différence dans les coûts ? Mystère et boule de gomme ! Mais on sait
qu’au Sénégal tout est toujours plus coûteux pour le contribuable qu’il
s’agisse de cartes d’identité, d’autoroutes, de TER ou de BRT…
Selon le CETUD, le projet vise à mettre fin aux nombreux et
interminables embouteillages, faciliter la mobilité urbaine et réduire la
congestion de la circulation dakaroise. Cependant, même si l’objectif principal
de décongestionner la capitale sénégalaise est à saluer, on considère que le
BRT est un autre bien coûteux projet de prestige qui contribuerait à aggraver
le niveau d’endettement de notre pays. En vertu de quelle rationalité
économique doit-on décaisser une telle somme d’argent pour l’investir dans un
trajet de 18,3km ? L’aménagement du trajet à deux voies nécessite une libération
des emprises et le délogement de milliers de personnes qui devront être
dédommagés à hauteur de plusieurs milliards.
On ne peut s’empêcher de poser la question suivante : à
savoir pourquoi investir autant d’argent et de ressources dans des projets de
prestige, alors que les priorités pour le développement sont ailleurs ? Ce
Pareil montant aurait pu véritablement servir à stimuler les secteurs
prioritaires, tels que l’éducation, la formation, le renforcement des plateaux
techniques sanitaires ainsi que les secteurs industriels et routiers dans
d’autres régions du pays.
Au lieu de s’engager dans une telle aventure onéreuse, qui
s’est soldée par un échec cuisant dans un pays proche, ne serait-t-il pas plus
rentable de renforcer le parc automobile de la Société Dakar Dem Dikk (en lui
donnant des couleurs nationales et non celles du parti du Président ), soutenir
et accompagner les activités de l’AFTU (Association de Financement des
professionnels du Transport Urbain), professionnaliser et rationnaliser le secteur
des transports et rechercher l’amélioration de la qualité de service en
soutenant la formation des employés ?
Par ailleurs, il serait plus rationnel de retirer
successivement les cars Ndiaga Ndiaye de la circulation en les remplaçant par
de nouveaux bus conventionnels moins coûteux que le BRT et répondant aux normes
et standards de sécurité modernes.
Plutôt que de construire un trajet dérisoire de 18,3 km à des
coûts faramineux et de continuer à concentrer les investissements dans Dakar,
ne devrait-on pas orienter les efforts de financement vers la réfection des
routes vétustes de la capitale et ses banlieues, dégager les emprises
illégales, organiser la circulation dakaroise à dans le dessein de faciliter la
fluidité et la mobilité urbaine ? Une telle démarche pourrait d’ailleurs aider
à réduire le niveau de pollution alarmant qui y sévit. Force est de constater
que si Dakar a besoin d’une chose, c’est de mieux respirer car, d’après les
prévisions, la population de Dakar sera d’environ 5 Millions d’habitants en
2020. Au lieu donc de se focaliser uniquement sur Dakar, il serait plus
efficace d’orienter les infrastructures vers les autres régions et y créer des
emplois afin d’arrêter l’encombrement dans l’agglomération de la capitale et
l’exode massif qui ne cesse d’en gonfler la démographie.
La réception de l’ouvrage serait prévue en 2022. A l’instar
des autres projets d’envergure, le BRT sera probablement inauguré dans la
précipitation, en grande pompe, avant la finition définitive des travaux avec
pour objectif de frayer imprudemment le chemin vers une candidature pour un 3è
mandat. Au risque opérationnel, au risque financier et d’endettement
s’ajouterait alors un risque politique particulièrement élevé…
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