Comme Icare, Alexandre Benalla est allé trop vite et a ravivé l’éternelle querelle entre policiers et gendarmes dans le domaine sensible de la sécurité et du renseignement ; tel Icare, il s’est trop approché du soleil.
D’avoir lu, comme leitmotiv des gens de presse d’une célèbre maison française, le mot “impertinence ” a d’autant plus bouleversé Nicolas Sarkozy (1) qu’il était en plein blues devant l’absence d’autorité. Bouleversé par le terrorisme et la contestation générale de l’autorité, surtout avec l’agitation des banlieues, il privilégie la force dans sa manifestation la plus immédiate, la police. Ministre de l’Intérieur, il est tombé en extase devant l’efficacité du Raid ; il l’avait déjà testée lors de ses participations aux gouvernements Balladur et Fillon avec les prises d’otages en Algérie et les douloureux actes terroristes vécus l’Hexagone même. Son enthousiasme dans le domaine sensible du renseignement et de la sécurité avait cependant été freiné par Jacques Chirac. Aussi s’est-il empressé d’appliquer ses vues dès son arrivée à l’Élysée (2).
« Indéniablement, la réforme est marquée par l’influence de certains acteurs clés des enquêtes déclenchées lors de la vague d’attentats des années 1995-1996 : ils occupent des fonctions éminentes entre 2002 et 2012, à l’instar de Claude Guéant, ancien directeur général de la police nationale de 1994 à 1998, devenu directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy place Beauvau puis secrétaire général de l’Élysée ou encore de Bernard Squarcini » (Sophie Coignard, page 11).
La réforme sera difficilement appliquée : Sarkozy pis dans le train-train de l’État en oubliera son bébé et les responsables peineront à le voir directement ; en plus la mise en avant de la police au détriment des gendarmes fera grincer des dents. François Hollande essayera bien de rétablir l’équilibre entre 2012 et 2017 mais Alexandre Benalla est revenu à la charge et a inquiété la hiérarchie policière, sous l’administration Macron.
L’affaire Benalla ?
Le Premier Mai 2018, une manifestation à la Contrescarpe est réprimée ; les caméras montrent un individu floqué « Police » violentant un manifestant. L’émotion suscitée amènera les autorités de l’Élysée à suspendre le coupable pour 15 jours. Il s’agissait d’Alexandre Benalla, un météore dans le Landerneau politique chargé de la sécurité du président Emmanuel Macron qui a rapidement pris du galon dans l’entourage du chef de l’État français et qui a voulu lui aussi sa réforme de la sécurité présidentielle.
En juillet, un article du journal « Le Monde » relance l’affaire etlui donne une dimension nationale à une affaire somme toute ordinaire sous le ciel des intempéries parisiennes nées de contestation d’un pouvoir dès son installation.
C’est ce que raconte Sophie Coignard dans son ouvrage Benalla la vraie histoire, Un intrus au cœur du pouvoir paru aux éditions de l’Observatoire/Humensis en 2019.
« L’Élysée a échafaudé une théorie qui n’est pas exempte de paranoïa. Des hauts gradés de la police, excédés par l’arrogance d’Alexandre Benalla, effrayés par le projet de réforme de la sécurité du président qu’il était en passe d’achever, ont attendu leur heure. Toujours selon ce raisonnement, certains responsables de l’IGPN sont informés par la préfecture de police de l’identité de l’auteur des exactions commises place de la Contrescarpe après avoir reçu la vidéo sur la plate-forme de signalement, et avoir demandé des comptes à la DOPC. (Page 123).
Le raisonnement n’est cependant pas dénué de tout fondement : les principales victimes de l’affaire Benalla sont en effet de hauts cadres de la police soucieux du « code barre », en référence aux épaules, même d’éminentes personnalités de la République ont également souffert de cette parenthèse, et pas que peu. « Voilà un personnage qui, outre des violences présumées le 1er mai, a entraîné la suspension de trois hauts fonctionnaires de police, a provoqué la plongée du président de la République dans les tréfonds des sondages, a mis en difficulté le Premier ministre, a contraint certains conseillers de l’Élysée à se contredire sous serment, a fragilisé la préfecture de police de Paris, juste avant que ne survienne la crise des Gilets jaunes, mais qui se montre très sourcilleux quant au comportement citoyen des autres ! ». Page 171.
Ce qui aurait pu paraître un vaudeville souffre cependant de l’action d’acteurs derrière les rideaux et l’omniprésence de la police pourrait donner raison à ceux qui avancent la théorie du complot, sans toutefois tenir comptes des excès du principal incriminé : « Alexandre Benalla est remis en liberté et la farce continue. Il rend bien ses armes le 30 juillet, donc, mais il n’est plus question de leur contenant.
Toutefois, ce même jour, un avocat écrit à la juge. Me Yassine Bouzrou défend les intérêts du syndicat de police Vigi, qui s’est porté partie civile dans le dossier pour que les lampistes ne paient pas à la place des « responsables hiérarchiques au plus haut niveau de l’État ». L’image des policiers a été selon lui ternie par les erreurs de procédure, notamment la perquisition ratée du vendredi 20 juillet ». 137-138
D’autres infractions seront en effet retenues contre celui qui était chargé de mission, coordinateur de différents services lors des déplacements officiels et privés du président de la République, Emmanuel Macron : l’affaire de passeports et de celle de relations avec des oligarques russes soupçonnés de liens avec le crime organisé, ce qui en faisait beaucoup.
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Sophie Coignard – Benalla la vraie histoire, Un intrus au cœur du pouvoir, Editions de l’Observatoire/Humensis, 2019, numérique.
Orientations bibliographiques
1-Nicolas Sarkozy : Passions, Éditions de l’Observatoire/Humensis, 2019, numérique
2-Floran Vadillo, Alexandre Papaemmanuel : Les espions de l’Élysée, le président et les services de renseignement, Tallandier, 2019, numérique
La Passion Du Christ !
Paru en 2017, « Passion » de Nicolas Sarkozy est tout de suite devenu un best seller. L’humilité émue du narrateur dresse le portrait du Middle East américain ou la vie des gens ordinaires du Midi français comme les aime Exbrayat. Nicolas Sarkozy a eu les mots justes, émouvants, loin de l’aspect bling bling du personnage politique.
Nicolas Bazire et moi passâmes la journée dans le bureau d’Édouard Balladur. Il était calme comme à l’accoutumée. Seule différence notable avec un jour ordinaire, la télévision était constamment allumée, branchée sur LCI, unique chaîne tout info à l’époque. Les caméras étaient braquées sur l’Airbus d’Air France, pris en otage par quatre terroristes islamistes. Une première tension éclata entre le ministre de l’Intérieur, Charles Pasqua, qui voulait que l’avion reste à Alger et que les Algériens s’en débrouillent, et le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, qui souhaitait à l’inverse que l’Airbus soit rapatrié en France, craignant à juste titre un carnage en cas d’intervention des forces spéciales algériennes. Le choix était compliqué, d’abord par les relations exécrables qui existaient entre les deux ministres, ensuite et surtout par le fait que des écoutes réalisées depuis un de nos sous-marins en Méditerranée nous avaient révélé qu’un groupe islamiste souhaitait faire exploser un avion au-dessus de Paris ! De surcroît, il convenait de faire très vite car les terroristes, pour prouver le sérieux de leurs revendications, avaient ouvert la porte de l’Airbus, pris un malheureux jeune cuisinier français de 28 ans et….
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Notes de Lecture-Sophie Coignard – Benalla, la vraie histoire, Un intrus au cœur du pouvoir
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