En ce début mars 2021, le Sénégal a connu des évènements sociaux politiques marqués par des violentes manifestations de rue.
A bien observer le comportement des manifestants qui s’en sont pris systématiquement aux symboles de l’Etat mais aussi à des biens privés, des commerces et même à des personnes physiques, on peut se rendre à l’évidence que ce mouvement est tout sauf un fait de hasard et n’a aucun caractère de spontanéité.
C’est pourquoi, au-delà de ce qui est vu et entendu, il serait important de savoir ce qu’il y a derrière ces évènements malheureux et regrettables.
L’ampleur des dégâts humains et matériels enregistrés, a produit un effet de surprise et d’angoisse au sein de l’opinion à l’intérieur et à l’extérieur du Pays.
Une fois sortie de l’émotion collective créée ou subie, il est nécessaire d’essayer de comprendre les contours de ces évènements avec beaucoup de lucidité, de recul et d’objectivité.
Loin de toute prétention de détenir un quelconque monopole de la vérité, l’exercice consistera juste à relever des faits et/ ou éléments qui pourront aider à approfondir la réflexion ou à mieux appréhender cette situation sans précédent.
Ceci étant, dans cette tribune, seront développés les points de vue d’un citoyen sénégalais binational qui vie entre le Sénégal et la Guinée et dont une partie de la famille s’est installée en Casamance depuis plus de cinq ou six décennies, pratiquement à l’aube de l’indépendance.
Mon amour, et ma fascination pour le Sénégal est sans ambiguïté. C’est un pays et un peuple que je connais et que j’admire avec passion. J’ai eu l’occasion de traverser ses contrés, de séjourner dans ses foyers religieux réputés, de côtoyer ses paysans laborieux, ses intellectuels renommés, et de pratiquer sa jeunesse ambitieuse et courageuse.
Pour tout ça, je pense qu’il est de mon droit d’exprimer une opinion face à une situation de crise et de tension qui, j’espère sera résolue par les sénégalais qui sont un peuple doté d’une grande sagesse et des valeurs sociales connues et ancrées dans les mœurs politiques.
Ce pays qui renferme une élite intellectuelle, politique et religieuse vertueuse, ne doit pas connaître le chaos et ne peut pas sombrer dans la violence qui semble être orchestrée par des vendeurs d’illusions et des forces occultes.
C’est pourquoi, il me semble important dans ce point de vue, de relever certains faits, actes et actions pour bien cerner la situation quasi-insurrectionnelle que le Sénégal a vécu.
- Faire la différence entre l’effet déclencheur et la cause profonde de mécontentement :
Si personne ne nie le fait que l’affaire Ousmane SONKO a eu un effet déclencheur, il est évident que cette affaire ne peut en aucun cas constituer en elle seule, une affaire d’Etat ou une cause nationale qui peut déverser au temps de monde dans les rues de Dakar et de certaines villes de l’intérieur du pays.
Ceci pour deux raisons :
Premièrement, SONKO n’a pas une assise et une légitimité, encore moins un discours qui peut faire adhérer tant de Sénégalais dans sa cause et dans son idéologie. Pour preuve, sur les pancartes on lisait plus de revendication d’ordre socio-économique que politique.
Dans les faits, il y avait plus de manifestants et de casseurs autours des stations de TOTAL et des supermarchés AUCHANT que devant la Gendarmerie et devant le Tribunal de Dakar.
Et puis, il y a des précédents où des leaders politiques et de la société civile ont été arrêtés, jugés, condamnés et emprisonnés sans que cela ne fasse de soulèvement ou des casses.
Des leaders pourtant qui, au moment de leur déboire étaient plus populaire qu’Ousmane SONKO. C’est le cas de Kalifa SALL (ex maire de Dakar), de Karim WADE, d’Idrissa SECK et autres.
Pourquoi pour les cas précités, la population n’avait-elle pas manifestée ou cassée ? C’est tout simplement, parce que la crise économique n’était pas si aiguë que maintenant. Une crise qui a mis les sénégalais à bout de souffle et les nerfs à fleur de peau à cause de la pandémie du COVID 19 notamment.
Donc, SONKO et ses partisans ne doivent pas crier victoire de sitôt et doivent revoir leur prétention à la baisse. Continuer dans une posture de récupération d’un mouvement qu’on n’a pas construit, risque de se retourner contre eux, une fois que la crise sera atténuée ou dissipée. Alors, ATTENTION… !
Deuxièmement, l’opinion doit se rappeler que lors de la dernière élection présidentielle, SONKO n’était que troisième.
Après le ralliement du deuxième au camp de la mouvance présidentielle qui avait raflée plus de 60% des votes des sénégalais, on peut aisément conclure que sur le plan strictement politique, la grande majorité de sénégalais est encore dans le camp du Président Macky SALL.
Bien que l’opinion ne soit pas statique, le baromètre politique étant le dernier scrutin, on ne peut pas échapper à cette logique inflexible. Surtout qu’aucun grand bouleversement politique n’a été enregistré au Sénégal ces deux dernières années qui pourrait entrainer une si grande érosion de popularité ou de transhumance politique pouvant transformer cette majorité en minorité à mi-mandat.
- Entre populisme, ethnocentrisme et tentative de récupération politique, le danger plane :
Depuis quelque temps au Sénégal on assiste à des discours populiste, ethnicisé et xénophobe venant de certains activistes politique et de la société civile.
Avant même les derniers évènements de début mars, Ousmane SONKO et des gens comme GUY SAGNA se sont illustrés dans des attaques verbales contre le franc CFA, la France et des entreprises françaises. Ces attaques verbales ont braqué une partie de l’opinion sur ces entités et ont conditionné le « peuple frustré ».
Peut-on établir un lien entre ces discours au vitriol de ces activistes et les attaques physiques et casses enregistrés dans les entreprises portant des enseignes françaises ? À mon avis, OUÏ !
Parce qu’en politique comme en religion, le leader, le chef ou le maître parle, le militant ou l’adepte agit. Les rôles sont connus et partagés. Les responsabilités aussi.
Dans cette dangereuse voie où se sont engagés certains politiciens et activistes de la société civile, le peuple doit refuser de les accompagner.
Les stations-services saccagées, les supermarchés brulés appartiennent à des sénégalais et ce sont des sénégalais et sénégalaises qui y travaillent et gagnent leur vie. A vrai dire, on a fait mal à des sénégalais et sénégalaises, mais pas à la France.
Par ailleurs, lorsqu’Ousmane SONKO dit dans son discours qu’il demande à ses militants de « déposer les armes en Casamance et partout au Sénégal », cela dénote un cynisme politique qui appelle clairement au repli identitaire ethnique et régionaliste.
Au-delà du cynisme, SONKO essaye de faire une récupération politique d’un mouvement à caractère fortement social. Il fait aussi dans la régionalisation.
Et c’est fait à dessin. Pour rallier une région qui s’est toujours rebellé (à tort ou à raison) contre le pouvoir central de Dakar. En parlant d’armes en Casamance, il réveille les stigmates d’une lutte armée qui a commencé avant sa naissance et dont il veut s’accaparer la paternité à partir de maintenant.
Peut-être, pour avoir un moyen de pression et un semblant de légitimité qu’il n’a pu avoir lors de la dernière élection présidentielle.
SONKO sait qu’il n’a ni carnet d’adresse à l’international, ni assise sociale solide à l’interne (n’est affilié à aucune grande confrérie religieuse). Il ne dispose pas de bagage intellectuel ou de parcours universitaire suffisant. Il n’a pas de référence professionnelle et académique de haut niveau. C’est justement, conscient de toutes ses lacunes, qu’il a sciemment emprunté la voie du populisme pour vendre des illusions au sénégalais notamment les jeunes désœuvrés et les couches les plus vulnérables qui croupissent sous des difficultés économiques, sociales et parfois sociétales.
D’autres diront que c’est de « bonne guerre ». Mais en réalité c’est une « guerre lâche ». C’est un chemin tortueux qui pourrait mener à des divisions et des confrontations fratricides semblables à celles déjà enregistrées dans certaines parties de l’Afrique comme au Rwanda, au Burundi, au Soudan et actuellement en Ethiopie. Et le Sénégal n’en a pas besoin. A ceux qui jouent à ce jeu de se ressaisir. En tout cas le danger plane.
Quant à la société civile, personne ne la dénie le droit de se lever pour des revendications précises portant sur le respect des droits humains. Que ces droits soient d’ordre politique, économique ou social, la société civile a son mot à dire.
Toutefois, lorsque cette société civile devient porte-étendard de groupuscules politiques qui ont clairement affiché leur mépris pour les institutions de la république, cela devient inacceptable.
Lorsqu’une organisation de la société civile qui doit contribuer à l’encrage d’une culture républicaine des citoyens se met à demander à ces mêmes citoyens de ne pas obéir à la justice, de s’attaquer aux symboles de l’Etat, de traquer d’autres citoyens jusque dans leurs domiciles, on tombe dans une anarchie qui n’arrangera personne. Même ceux qui pensent tirer profit risquent de déchanter. Parce qu’en créant le chaos, eux même seront décimés par le chaos qu’ils auront créé.
Les leaders de la société civile qui demandaient à SONKO de ne pas répondre à une convocation de la justice doivent savoir qu’ils ne font pas du mal à Macky SALL mais qu’ils sont en train d’affaiblir les institutions de l’Etat, d’affaiblir la REPUBLIQUE. Ceux qui ont incité les manifestants à s’attaquer physiquement à des personnes et leurs biens ont versé dans des actes criminels et répréhensibles. Ils doivent être bannis des entités politiques et celles de la société civile.
- Forces extérieures et risques de déstabilisation du Pays : des réalités à prendre en compte
Après le discours du ministre de l’intérieur évoquant des forces occultes qui cherchent à déstabiliser le Sénégal, certains politiciens de mauvaise foi et certains médias ont criés au faux et ont traité le ministre de tous les noms d’oiseaux. Pourtant, l’environnement géopolitique dans lequel évolue le Sénégal est marqué par la présence de forces qui peuvent avoir leur raison à voir un Sénégal déstabilisé ou désarticulé dans ses fondements étatiques.
Primo, le Sénégal très présent dans le dispositif de lutte contre le terrorisme en Afrique de l’Ouest et au Sahel. Le pays participe financièrement, humainement (militaire et renseignements) et matériellement à la guerre au Mali. En tout cas il en a participé à un moment donné.
De ce fait, le Sénégal est dans la ligne de mire des djihadistes qui ont promis de s’attaquer à tout pays qui participe de près ou de loin dans la guerre contre le terrorisme. Il faut dire All HAMDOULILLAH que jusqu’à présent, grâce à la vigilance, au professionnalisme et à l’efficacité des services sénégalais, toutes les tentatives d’infiltration de djihadistes ou de personnes hostiles en territoire sénégalais ont été mises en déroutes. Mais cela ne veut pas dire que le danger n’existe pas ou que l’ennemi a abdiqué. Il peut à tout moment revenir, réessayer ou attaquer. Et la situation de chaos comme celle qu’on a enregistrée lors des évènements de début mars constitue des occasions sur lesquelles ces forces hostiles peuvent s’engouffrer.
Secundo, le Sénégal est reconnu pour sa stabilité. Cette image a donné à ce pays une place prépondérante, avec une influence diplomatique et géopolitique de premier ordre dans la sous-région de l’Afrique de l’Ouest.
Cette influence et cette prépondérance peuvent créer de jalousie ou de concurrence déloyale de la part de certains Etats ou de leurs Chefs. Par fois juste pour des questions d’égo.
Très récemment, un chef d’Etat d’un pays voisin du Sénégal en plein meeting populaire dans une de ses villes s’est presque réjouit des évènements de mars au Sénégal et a indexé nommément Dakar comme étant une base arrière de ses opposants. Celui qui se réjouit de votre malheur peut lui-même être une « source » de votre malheur.
Partant de ce qui est décrit précédemment, les sénégalais doivent prendre en compte l’existence réelle de ces « forces extérieures » hostiles et inamicales qui peuvent bel et bien constituer une menace pour la paix et la stabilité du Sénégal. L’ignorer serait suicidaire pour tous ceux qui vivent dans ce pays. Laisser quelques aventuriers conduire le pays dans une situation de chaos, c’est courir à la catastrophe. Alors, que chacun se ressaisisse. Un peuple se conduit par la lucidité et non par la haine.
- Crise économique du COVID 19 et troisième mandat : Un faux procès à Macky SALL
Lors de ces évènements de mars 2021, beaucoup d’acteurs se sont illustrés dans les discours calomnieux basés sur des présomptions non fondées en parlant de la crise économique et d’un prétendu troisième mandat vers lequel lorgnerait le président Macky SALL.
D’abord sur la crise économique. On n’a pas besoin d’être sortant de l’université de Harvard pour savoir que la pandémie du COVID 19 a freiné les économies les plus dynamiques du monde. Le Sénégal qui est un pays à revenu intermédiaire est aussi exposé et a été fragilisé dans ses fondements micro et macroéconomiques. Avec l’arrêt des secteurs entiers comme le tourisme, les voyages et les services qui sont des maillons forts de l’économie sénégalaise, il va sans dire que les répercussions se feront sentir sur les revenus des populations et des masses laborieuses qui se sont retrouvées au bout d’une année de quasi-confinement dans une situation économique très précaire.
La précarité économique est toujours source de frustration et de révoltes. Ce n’est pas propre ou unique qu’au Sénégal. C’est une constance dans l’évolution des sociétés humaines et dans l’Histoire des nations.
Alors, vouloir imputer les conséquences d’une crise mondiale résultant d’une pandémie planétaire à Macky SALL et son gouvernement, c’est soit un signe d’ignorance grave du contexte dans lequel se trouve le monde, c’est soit un acte de mauvaise foi de la part de ceux qui raisonnent ainsi.
En outre, essayer de profiter de cet état de fait pour en faire une récupération politique pour exposer les gouvernants à une « vindicte populaire déguisée », est une pure insurrection qui ne saurait trouver une légitimité quelconque encore moins un semblant de légalité. Ceci, ni dans le fond, ni dans la forme.
D’ailleurs, les mesures fortes prises par le président Macky SALL au début de la pandémie pour soulager les sénégalais ont été citées en exemple par les partenaires techniques et financiers du Sénégal et ont conduit à une forte résilience économique malgré la persistance de la crise. En un mot comme en mille, le Sénégal a résisté et résiste tant bien que mal dans un contexte économique difficile et c’est grâce en grande partie, à la vision et au leadership éclairé de Macky SALL. Ne pas le reconnaitre ou vouloir tout peindre en noir est une aberration intolérable. Pour preuves, des pays beaucoup plus nantis que le Sénégal en termes de ressources naturelles, sont confrontés aujourd’hui à des difficultés économiques majeures. A titre illustratif, on peut citer la Guinée Conakry. Le pays a exporté plus de 80 millions de tonnes de bauxite en 2020. Ce qui a générée plus de 4 milliards de dollars américains dans les caisses de l’Etat, sans compter les autres matières précieuses exportées par ce pays comme l’or. Malgré toute cette manne financière, le président guinéen et son premier ministre ont demandé aux populations guinéennes de se préparer pour affronter encore des mois voire des années difficiles.
Donc, si on peut comprendre les exigences et attentes populaires, par contre, il est inadmissible de vouloir particulariser le cas sénégalais dans une crise mondiale. On ne peut non plus tolérer que quelques individus mal intentionnés, mal informés ou mal formés essayent de faire porter le chapeau de toutes les conséquences économiques de la COVID 19 à la gestion du président Macky SALL. Tel peut être le raisonnement de toute personne dotée d’une certaine hauteur de vue et d’un esprit objectivité.
Ensuite, pour le troisième mandat. Sans rentrer dans le débat juridique du bienfondé ou non d’une éventuelle candidature de Macky SALL pour un troisième mandat, il convient de relever que jusque-là ceux qui parlent de troisième mandat de Macky SALL sont dans une politique fiction et dans une sorte de prophétie ou d’une simple présomption.
On a vu dans les déclarations, certains responsables politiques et quelques activistes de la société civile demander à ce que Macky SALL renonce à un troisième mandat.
Mais comment une personne de surcroit leader politique ou de la société civile, qui aspire à diriger une grande nation comme le Sénégal peut se laisser emporter dans un « enfantillage politique » jusqu’à demander à quelqu’un de renoncer à une candidature dont il ne s’est pas déclaré ?
En tout cas, le principal concerné n’a jamais fait état.
Ce qui fait dire à beaucoup d’observateurs que ceux qui demandent à Macky SALL de renoncer à un prétendu troisième mandat sont dans le sensationnel pur et simple. Si ce n’est une simple supercherie dont eux seuls connaissent le mobile.
D’ailleurs, si un jour Macky SALL décidait d’être candidat, personne ne pourra l’en empêcher. En tout cas pas par la rue ou par un coup d’Etat comme certains en ont rêvé lors de ces évènements malheureux.
La simple raison est qu’au Sénégal ou ailleurs en Afrique, les expériences récentes ont montré que chaque fois qu’un président a voulu être candidat à un troisième mandat, il s’est donné les moyens de l’être.
Ici au Sénégal, en 2012, ni la rue, ni les pressions diplomatiques n’avaient empêché le président WADE d’être candidat. C’est dans les urnes que les sénégalais avaient sanctionné l’intéressé.
Ainsi, les politiciens qui aspirent à diriger ce pays ou qui pensent détenir les baguettes magiques pour le développement du Sénégal auraient mieux fait d’aller battre campagne. Ils doivent se déployer auprès des populations en vue de vendre leur programme au lieu de vendre des illusions.
Mais faire ce qu’ils font actuellement, à savoir rester derrière leurs smartphones pour faire des déclarations et calomnier d’autres citoyens et responsables de ce pays ne leur donnera pas le pouvoir. Et ça n’empêchera pas Macky SALL d’être candidat. Que cela soit dit et compris. A bon entendeur salut !
Mohamed Mousliou HAIDARA
Juriste d’Entreprise
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