Le spectre de la dissolution parlementaire semble avoir déclenché le jeu des alliances au sein de la classe politique sénégalaise. Beaucoup d’états-majors de partis politiques s’activent en coulisses dans le but de former la plus grande coalition possible en vue du scrutin législatif. Ainsi à côté de la coalition Diomaye Président, plusieurs forces politiques tentent de s’agréger autour de l’ancien Premier ministre Amadou Ba ou autour d’un grand pôle de gauche sans oublier les tentatives de rapprochement entre le Ps et Taxawu Sénégal de Khalifa Sall dans le but d’entériner les retrouvailles de la grande famille socialiste. Ce branlebas de combat pourrait s’accentuer dans les semaines à venir en raison de la saisine du Conseil constitutionnel par le président de la République.
Bassirou Diomaye Faye a adressé une correspondance au Conseil pour lui demander le moment opportun pour la dissolution de l’Assemblée nationale. L’information relayée par nos confrères de Radio Futurs Medias pourrait rebattre les cartes du jeu politique dans les semaines à venir.
L’ancien député Théodore Monteil s’interroge sur la pertinence de cette démarche. On ne pose pas une question dont on a déjà la réponse. L’article 87 de la constitution dit très clairement. Le Président de la République peut, après avoir recueilli l’avis du Premier Ministre et celui du Président de l’Assemblée nationale, prononcer, par décret, la dissolution de l’Assemblée nationale. Je ne vois pas quelle autre réponse pourrait lui donner le conseil », a-t-il déclaré.
En effet, l’article 87 de la Constitution alinéa 2 qui rapporte que la dissolution ne peut intervenir durant les deux premières années de législature. Le décret de dissolution fixe la date du scrutin pour l’élection des députés. Même si l’élection des députés a eu lieu le 31 juillet 2022 leur prise de fonction n’a pu avoir lieu le 12 septembre 2022 par décret n°2022-1554 du 24 août 2022. C’est à partir de cette date que le décompte des années commence. Sous ce rapport, la dissolution de l’Assemblée nationale ne peut être prononcée par le président de la République qu’à partir du 13 septembre 2024, selon plusieurs juristes.
Poursuivant son propos, l’ancien directeur de campagne du candidat Mamadou Lamine Diallo revient sur les risques d’une dissolution brusque de l’assemblée nationale. “ il y a une divergence entre le délai fixé par la constitution (60 à 90 jours) pour tenir les élections en cas de dissolution et celui est généralement fixé par le code électoral pour faire le parrainage en vue d’un dépôt des listes de candidatures (150 jours). L’alinéa 4 de l’article 87 empêchant les députés de l’assemblée dissoute de se réunir comment fera-t-on pour mettre en conformité ces deux dispositions. », explique-t-il. Dans la même dynamique l’ex responsable de la coalition “Bunt Bi” révèle que sur le plan budgétaire on risque de ne pouvoir voter ni une loi de finance rectificative (Lfr) mais aussi celui de la (Loi de Finances Initiale) LFI 2025. Et le non vote du budget pourrait obliger le Président de la République à gouverner par décret conformément à la loi 2020-07 du 26 février 2020 relative aux lois de finances qui indique « que l ’Assemblée nationale dispose de soixante jours au plus pour voter les projets de Loi de finances. Si à l’expiration du délai de 60, elle n’est pas votée, elle est mise en vigueur par décret, conclut-il.
Cette situation d’une dissolution brusque de l’Assemblée nationale avant le vote du budget pourrait gravement nuire aux accords de conciliation menées par les différents groupes parlementaires afin de rapprocher les positions de la majorité et de l’exécutif autour de la Déclaration de Politique Générale (Dpg) d’Ousmane Sonko. A la suite d’intenses discussions, divers responsables du bureau de l’Assemblée nationale, se sont accordés pour rétablissement des dispositions du Règlement intérieure qui fixaient toutes références au Premier ministre. A travers cette mesure, les députés comptaient mettre fin au conflit qui opposait depuis plusieurs semaines la représentation nationale et le pouvoir exécutif. Ousmane Sonko avait même indiqué la possibilité de faire sa déclaration de politique générale devant une assemblée populaire provoquant l’ire des députés qui ont menacé de déposer une motion de censure.
Mamadou Makhfouse NGOM
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