C’est un quasi-néophyte qui a pris place près des bancs de l’opposition, à l’occasion de la plénière pour la levée de l’immunité parlementaire de Farba Ngom, vendredi 24 janvier 2025. Amadou Bâ, en boubou traditionnel gris, n’a pas pris la parole, laissant ce privilège à Abdou Mbow (orateur contre la procédure) et Aïssata Tall Sall (défenseur du député), opposés à la levée de l’immunité parlementaire du député-maire des Agnam. Par ailleurs, l’ancien Premier ministre et ses camarades de « Jamm Ak Njariñ » ont décidé de ne pas suivre l’initiative des députés de « Takku Wallu » qui, après l’intervention d’Abdou Mbow, avaient décidé de boycotter le vote pour la levée de l’immunité parlementaire de Farba Ngom. Ce dernier fait l’objet d’une enquête judiciaire pour « association de malfaiteurs, blanchiment de capitaux, escroquerie portant sur des deniers publics, corruption, trafic d’influence et fraude fiscale, entre autres ».
En guise de solidarité envers le responsable apériste, le nouveau parti d’Amadou Bâ, « La Nouvelle responsabilité », va publier, dans la foulée, un communiqué pour dénoncer « l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques », dont la dernière en date, dit-il, est la procédure de levée de l’immunité parlementaire du député Farba Ngom.
Cette plénière correspondant à la deuxième apparition d’Amadou Bâ lors de cette 15e législature, après son installation, le 2 décembre 2024, marque-t-elle une rupture dans le positionnement politique de l’ex-ministre des Finances à l’Assemblée nationale ?
Son absence lors de la Déclaration de politique générale (Dpg) d’Ousmane Sonko, le 27 décembre dernier, a été considérée comme « une faute politique », dans la mesure où tout prétendant au statut du chef de l’opposition, doit honorer de sa présence ce rendez-vous incontournable de la vie politique nationale. Mais, pour beaucoup d’analystes, cette situation découle d’un rapport de force désavantageux face à Pastef et « Takku Wallu », la première force de l’opposition au Parlement. Pour l’analyste politique Mamadou Sy Albert, ce désintérêt pour le débat parlementaire de la part d’Amadou Bâ, peut s’expliquer par son faible score lors des législatives.
« Amadou Bâ qui a terminé deuxième de la présidentielle, s’est retrouvé dans l’incapacité de former un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale, avec sept députés. Cette situation qui la place derrière « Takku Wallu » lui offre peu de marge de manœuvre et l’empêche de pouvoir peser dans les débats à l’Assemblée nationale », affirme-t-il. M. Sy a indiqué qu’Amadou Bâ, qui est ainsi dans l’incapacité d’occuper le costume de chef de l’opposition parlementaire, doit désormais se concentrer dans la structuration de son parti, en vue des prochaines échéances : locales en 2027 et présidentielle en 2029.
« Amadou Bâ est arrivé à l’Assemblée sous la bannière d’une coalition qui regroupe son parti et diverses forces politiques souvent issues de la gauche. Son but sera d’utiliser sa position de député comme tribune politique,afin de rallier le maximum de soutiens et de sympathisants en vue de la massification de son parti », affirme l’analyste politique. Dans la même dynamique, Ibrahima Bakhoum, ancien directeur de Publication de « Sud Quotidien », explique ce manque d’investissement d’Amadou Bâ pour l’institution parlementaire, par la nature de notre régime politique présidentiel.
« Amadou Bâ doit, en théorie, hériter du statut de chef de l’opposition, avec sa place de dauphin à la présidentielle de mars 2024. Toutefois, l’Assemblée ne me paraît pas le meilleur cadre d’expression pour lui. Amadou Bâ qui a recueilli le suffrage des Sénégalais, ne peut pas brader son siège de député. Dans cette optique, il doit bâtir, avec ses équipes, une stratégie politique lui permettant d’enjamber l’institution parlementaire et d’apparaître comme une alternative crédible pour les prochaines échéances », souligne le journaliste analyste politique.
Pour sa part, Pape Amadou Fall, ancien directeur de Publication du magazine « La Gazette », voit dans cette attitude de l’ex-ministre des Finances, une stratégie politique bien réfléchie et visant à jouer la stratégie du temps.
« Amadou Bâ, au regard des différents postes de responsabilité qu’il a eu à occuper au sein de l’État, était très attendu par les Sénégalais. Mais, connaissant la nature de l’homme, je crois qu’il veut se donner le temps pour marquer son espace et éviter toute saturation, en se privant de bousculer et de harceler le nouveau pouvoir. Il entend ainsi se démarquer de l’opposition frontale au nouveau régime, dans le but de s’offrir un champ d’expression plus dégagé dans le futur », affirme-t-il.
Amadou Bâ était arrivé deuxième à la présidentielle de mars 2024, avec 35,8 % des voix. Lors des Législatives de novembre dernier, sa coalition, « Jamm Ak Njariñ », avait obtenu sept sièges.
leSoleil-sn
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