Depuis mon vol Cap Skiring- Dakar, je suis hanté par l’approche commerciale de notre compagnie nationale, Air Sénégal SA.
Je revois encore dans ma tête, ces jeunes PNC (Personnel navigant Cabine) pleins de dynamisme et dotés des meilleurs réflexes professionnels.
Je crains leur déception lorsqu’il faudra leur annoncer que l’aventure s’arrête tout comme il en fut par le passé.
Je me suis replongé dans l’histoire pour survoler les faits marquants de l’histoire de l’aviation sénégalaise, depuis la première compagnie jusqu’à l’actuelle (Air Sénégal, Air Sénégal Internationale (ASI) Sénégal Airlines, Air Sénégal SA) :
AIR SENEGAL (1971-2000)
En 1971, soit 11 ans après l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale, le Président Senghor lance Air Sénégal, une compagnie modeste, mais gérée avec beaucoup de pragmatisme et de sérénité.
Air Sénégal s’acquittera de ses obligations nationales jusqu’en février 2000.
La gouvernance va voir les choses en grand et ambitionne de rallier les autres capitales sous régionales, régionales, européennes et américaines, à partir de Dakar. Elle voyait déjà
« Dakar hub international ».
Mais il sembla que les prérequis n’étaient pas là. La charge étant trop lourde sur les frêles épaules de la petite compagnie, elle décédera officiellement le 1er février 2000, après 29 ans d’exercice.
La gouvernance d’alors ne lâcha pas prise et à la suite de négociations entre l’Etat et ses partenaires dont le Maroc, une nouvelle compagnie dénommée, Air Sénégal international (ASI)’’ est née.
AIR SENEGAL INTERNATIONAL (ASI) (2001-2009)
’La nouvelle compagnie ASI va démarrer officiellement ses activités par un premier vol le 23 février 2001 en partenariat avec cette compagnie marocaine Royal Air Maroc (RAM).
Disposant d’une flotte assez fournie (7 avions), ASI, reprend les itinéraires classiques de sa défunte sœur (Ziguinchor Cap Kolda, Banjul, Bissau) et y ajoute quelques capitales Africaines et européennes.
Elle deviendra ainsi en l’espace de quelques années, l’un des transporteurs aériens majeurs en Afrique de l’Ouest avant d’être confrontée, à son tour, à des problèmes de gestion avec l’arrivée de Maitre Wade au pouvoir.
Entre ASI et Royal Air Maroc ce fut 8 ans de jeu de dupe car elle est née avec une tare congénitale. Les marocains en plein processus de renflouement de leur compagnie (RAM) et de consolidation du Hub Mohamed V de Casablanca, vont exiger la majorité avec 51% du Capital de ASI avec comme apport différentiel, un Boeing 737-200.
De leur position d’actionnaire majoritaire, ils vont se positionner en prédateurs. Ils cassent les routes à l’international à partir de Dakar et ramènent toutes les destinations via Casablanca pour participer à la consolidation de leur hub et faire vivre leur aéroport.
La maintenance curative et même quelque fois préventive est confiée à l’atelier de maintenance de la RAM.
Dans le temps, des conflits internes vont surgir et la Royal Air Maroc (RAM) décide de se retirer de son rang de partenaire stratégique le 24 avril 2009. Conséquemment, elle retire le Boeing 737-200, le 737-700NG et le DASH 400 acquis au nom de ASI. Asphyxiée, et sans assistance respiratoire, la compagnie décédera quelques heures plus tard.
Les Sénégalais sans compagnie, regarderont de leurs terrasses et de leurs fenêtres( du moins ceux de de Yoff et Ouakam), atterrir et décoller des avions étrangers.
Il faut d’ailleurs signaler que le personnel de la défunte ASI continuent, jusqu’à ce jour, de réclamer leurs indemnités de licenciement. Mais en vain, Rien, touss, daara !!
SENEGAL AIRLINES (2010-2016)
Le Président Wade, comme pour se racheter de l’échec de sa gouvernance en matière d’aviation, lance SENEGAL AIRLINES et nomme le 11 Mai 2010, l’italien Edgardo Badiali après un avis de recrutement international lancé le 18 Février 2010. Pour la petite histoire, 2 sénégalais figuraient parmi les 9 candidats. Mais il parait qu’il était le meilleur profil en termes d’expérience et en plus il était polyglotte (Allemand, Anglais, Français, Espagnol).
Très vite sa gestion est décriée pour le choix des appareils devant constituer la flotte.
Il avait été reproché à notre italien national, d’aller chercher en Indonésie de vieux coucous pour équiper la compagnie. Les pannes étaient récurrentes et plusieurs fois en dehors de Dakar-Yoff.
Il est remplacé en Février 2014 par Mayoro Racine, alors Directeur de l’ANACIM.
Mayoro va prendre une compagnie en très grande difficulté qui peinait à trouver un partenaire stratégique. Les Marocains recontactés déclinent. Idem pour les Sud-Africains.
Il faut préciser que le contexte de la période était difficile. De plus, la décision l’UA de 1999 prise à Yamoussoukro, laquelle avait acté le principe du libre accès des transporteurs aériens africains aux liaisons interafricaines, avait rendu la niche commerciale, extrêmement concurrentielle.
Une compagnie ivoirienne burkinabè ou malienne pouvait venir aligner un vol à l’intérieur de n’importe quel pays d’Afrique.
Cela ne dura que le temps d’une rose, car les agences de régulation de l’aviation civile des pays commencèrent à exiger le respect de certaines règles notamment la mise en HIL (Réserves de Vol) accordés par les agences d’immatriculation que les autres n’admettaient pas.
A cette époque, au niveau national, un certain Alioune Fall, un pilote- promoteur dans l’aviation avait commencé à tisser sa toile avec Transair. Il débuta en 2009 avec un seul petit avion, et desservait déjà Ziguinchor, Cap Skiring, Kolda, Bissau, Conakry et Praia.
Il sera propulsé par un événement majeur au Sénégal : le FESMAN. Il va conclure une joint-venture avec une compagnie Sud-Africaine pour une mise en place d’un Beech 1900, d’un Embraer 120 puis plus tard un A320 et un ATR 72-600.
C’est ce même FALL qui va essayer venir au secours de Sénégal Airlines mais malheureusement trop tard.
Malgré les bonnes dispositions de la nouvelle équipe (une dizaine de destinations) elle sera vite débordée avec 7 aéronefs, dont un en drylease cloué au sol payé mensuellement à hauteur de 700 000 US dollars par mois, des expats payés rubis sur l’ongle au prix fort, une permanente intrusion des politiques.
La facture grimpera pour atteindre la bagatelle somme de 65 Milliards CFA.
Le 19 Avril 2016, son décès est rendu public.
Maimouna Ndoye SECK alors ministre en charge de l’aviation annonce sur RFI, en marge des funérailles de Sénégal Airlines, la naissance prochaine d’une nouvelle compagnie qui sera appelée Air Sénégal SA. Elle précisera qu’elle sera gouvernée à 100 % par des Sénégalais.
AIR SENEGAL SA 2016-A NOS JOURS
Chiche ! Mais alors que fait encore Philippe Bohn au sein du conseil d’administration de Air Sénégal SA depuis sa naissance à ce jour, alors qu’il avait été décidé autrement ? Bref….
A la base, Philippe Bohn n’était pas l’élu chargé d’implémenter la compagnie. Un expert dont je ne souviens plus du nom avait été choisi initialement pour implémenter Air Sénégal SA. Cet expert expose son plan au Président de la République Macky SALL. Il avait opté lancer les vols avec deux Boeing (767 et 777) et 2 Q400 d’origine canadienne.
Contre toute attente, il est remercié quelques mois plus tard.
En Aout 2017, Macky SALL nomme Philippe Bohn à la tête de la compagnie. Il va vite et trois ans après, la flotte comprend cinq appareils dont 2 ATR, 2 Airbus A319 et un Airbus A330 Neo.
Il demande à être déchargé de la direction générale de Air Sénégal SA et déclare sur Paris Match le 19 Avril 2019 qu’il avait le sentiment du devoir accompli. Philippe Bohn : “Pourquoi je quitte Air Sénégal” (parismatch.com). Il sera remplacé par Ibrahima Kane. Mais il est toujours là, encore plus puissant qu’à son arrivée.
À la suite de sa démission, il revient au conseil d’administration d’Air Sénégal SA par la fenêtre avec le titre de conseiller du directeur sur les questions financières et le développement de la compagnie sur les États-Unis.
En parallèle de son poste d’administrateur au sein de la compagnie, Philippe Bohn fonde avec Jérôme Maillet en avril 2019 une société de conseil spécialisée dans l’aéronautique à Dubaï.
Je ne sais pas si c’est à ce titre que Jérôme Maillet est bombardé Directeur Stratégie Financière d’Air Sénégal SA.
Le Couple Bohn-Maillet pour se donner bonne conscience va propulser un certain Eric Iba Gueye, Directeur commercial de la compagnie, qui semble n’avoir aucune expertise en la matière.
QUI EST Philippe BOHN ?
Ancien soudard, journaliste-reporter de formation, reconverti en lobbyiste, de la Namibie à la Lybie, il posera ses valises au Sénégal après la chute d’Ifriqiya et de Mouammar Al Kadhafi.
LES ATR 72-600
On nous a vendu que ces avions ont été commandés et payés par le Sénégal rubis sur ongle.
Mais jusqu’à l’arrêt et l’abandon de ces deux avions à l’étranger on pouvait lire sur la porte des cockpits « Propriété BNP Paris BAS ». Je n’ai jamais compris la mention sauf si ces avions ont été acquis en Drylease avec option vente. Où est donc passé le budget alloué estimé à plusieurs dizaines de milliards ?
Mais ce n’est pas le plus surprenant. Lorsqu’on me dit que le premier ATR est en panne moteur et fin de potentiel hélices en Mauritanie depuis plusieurs semaines, je reste bouche bée.
Et lorsqu’on me dit aussi que le deuxième (6V-ASY) est à Praia au Cap vert pour pratiquement une même raison (up d’hélice) depuis bientôt 1 mois, je me dis que nous marchons sur nos têtes car l’ATR 72-600 est tellement recherché dans le monde que si vous en commandiez un aujourd’hui, vous ne serez pas livrés avant 2030. On appelle cet avion « Making Money »
Toutes les compagnies asiatiques et européennes recherchent intensément ces avions. Alors pourquoi le Sénégal devrait-il vendanger les siens ?
J’ai lu quelque part qu’ils seraient en vente. J’espère que la gouvernance actuelle du Sénégal ne laisserait pas le Directeur Général commettre une telle bévue. Déjà que sa gestion est sujette à controverse, il ne devrait pas se permettre.
Le Directeur Général semble ne pas comprendre que cette compagnie lui a été simplement confiée. Il n’a pas le droit de compromettre son développement encore moins vendanger son patrimoine.
Jugez-en, un ATR consomme entre 500 et 550 Kg de carburant à l’heure, là l’A319 (6V-ANA et 6V-ANB ou l’A321 (6V-ANC et 6V-AND) consommera 3 à 4 fois plus. J’aurais pu développer ce phénomène de cycle mais ce serait trop technique.
Quelle rentabilité recherchons-nous, si pour la même fourchette de tarification nous dépensez 5 à 6 fois plus (l’exploitation en elle-même, beaucoup plus onéreuse) avec toujours la même niche commerciale ? Quel est le projet ?
De plus les deux A319 (6V-ANA, 6V-ANB) et les deux A321(6V-ANC et 6V-AND) pris en drylease avec des options incompréhensibles me font douter de la sincérité de ceux-là qui les ont choisis :
- Les équipages à la charge de la compagnie nationale.
- La maintenance à la charge de la compagnie (d’ailleurs le ANB est actuellement sans APU) et le 321 (AND) au sol depuis bientôt 6 mois pour panne moteur. C’est celui-là que notre directeur veut réparer.
- Hébergement équipage à la charge de la compagnie
Il se susurre que le Directeur Général voudrait vendre les ATR pour la remise en état de cet A321 qui n’appartient pas à la compagnie et beaucoup plus vieux. Où est la logique ? Vendre ce qui t’appartient pour réparer ce que tu loues. Un peu comme perdre le fils pour sauver le grand-père !!!
Pourquoi continuons à garder Jérôme MAILLET comme Directeur de la Stratégie financière d’Air Sénégal Sa ?
Faites un tour au Congo et vous en apprendrez des vertes et des pas mures. Et pourquoi Eric Iba Gueye continuerait-il à conduire la politique commerciale de la compagnie ? Quelqu’un qui ne connait même pas la posture commerciale en aviation.
Et le plus choquant c’est que le personnel expat (français, algériens, tunisiens) soit payé 2 à 3 fois plus que leurs homologues sénégalais, et en prime ils sont blanchis, nourris et embrassés par la république avec la cerise sur le gâteau « une indemnité de logement de 500 mille francs par mois et par personne » Rien que ça !
Je ne parle même plus du réaménagement horaire pour leur permettre de mieux se reposer que les sénégalais.
Evidemment les expats, conscients de perdre leur sinécure, entravent les carrières de jeunes sénégalais à qui les qualifications pour passer Commandant de bord ou premier pilote dépendent de ces expats. Comme il leur revient de les upgrader, ils trouvent les moyens de les bloquer.
Pour finir j’aborde cette histoire des A330 NEO dont on nous a tant chantée.
Sans même apurer la situation des A 319 et 321, on s’est précipité pour acquérir ce bijou de technologie. Mais ce qu’on ne nous dit pas c’est que notre compagnie nationale n’a pas la licence EASA leur permettant de voler en Europe. Et pour ce faire, il va contractualiser avec Hi Fly ( une compagnie portugaise) qui lui a l’agreement.
Ces avions immatriculés à Malte, excluent ainsi les équipages sénégalais car il aurait fallu qu’ils aient une licence maltaise pour pouvoir voler avec.
Sauvons Air Sénégal Sa pendant qu’il est encore temps. Nous sommes lassés d’avoir honte. Nous avons des jeunes extrêmement bien formés partout dans le monde qui ne demandent qu’à servir leur pays.
Aux officiels de nous mettre à tête de cette compagnie, des jeunes formés au métier de gestionnaires de compagnies aériennes car c’est un métier et non une fonction.
Xavier DIATTA, un ancien du métier
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