Je persiste et signe : comme je me suis employé à l’illustrer dans mes trois précédentes contributions, un président de la République vraiment sérieux, bien plus homme d’État que tonitruant politicien, ferait rapidement plus et mieux que lui, sans avoir besoin de déplacer chaque fois la République pour inaugurer des infrastructures. En concluant ma dernière contribution, celle du 10 juin 2021, je suis tombé comme par hasard sur le quotidien Source A (dans son édition du 7 juin 2021) qui m’a conforté dans ma conviction. Á sa ‘’Une’’, on lit ceci : « Á l’origine du malaise de l’Agence de Gestion du Patrimoine bâti de l’État (AGPBE), le traitement princier du SG. » Le quotidien précise ensuite que, « après avoir empoché ses indemnités de retraite en septembre 2020, le Secrétaire général de l’AGPBE continue de percevoir son salaire de 2,5 millions F Cfa majorés de 100.000 F Cfa qui représentent ses indemnités de téléphonie. » Pas seulement. Le quotidien poursuit : « Mieux ou pis, il garde aujourd’hui son logement attribué 4 mois après sa retraite, ainsi que son véhicule de fonction. » Le quotidien renvoie ensuite à la réponse du Directeur général de la Comptabilité publique et du trésor, quand l’Agent-comptable public de l’AGPBE lui a écrit sur le cas du Secrétaire général (un certain Alassane Saïdou Sow). La réponse du Directeur général, quelle qu’elle soit, n’enlèvera rien à notre conviction que les agences dites nationales sont pour l’essentiel, des gouffres à milliards qui devraient être employés bien plus utilement ailleurs.
Ce n’est pas la première fois d’ailleurs que la gestion de l’AGPBE est décriée. S’inspirant des rapports 2017 et 2018 de l’OFNAC, le quotidien Les Échos écrit à la page 5, édition du 4 mars 2020 : « Sale temps pour Socé Diop Dione. Le rapport de l’OFNAC rendu public hier n’a pas du tout été tendre avec elle. Les enquêteurs, qui ont débusqué des violations de procédures, l’usage de faux ….. ont envoyé son dossier devant le procureur de la République, en visant les délits d’escroquerie et complicité d’escroquerie portant sur des deniers publics. » Mme Socé Diop Dione, alors directrice générale de l’Agence, n’y a vraiment pas perdu son temps. Responsable politique de Koungheul, élue députée de la localité en 2017, elle préféra rester à la tête de l’Agence où elle disposait, selon elle, de plus de moyens pour continuer d‘entretenir sa base. Du moins, c’est l’information qui circulait. M. Diène Farba Sarr en sait certainement quelque chose lui qui, dit-on, s’était empressé de pourvoir à son remplacement à la tête de la ‘’juteuse’’ agence. M. Sarr était alors Ministre du Renouveau urbain, de l’Habitat et du Cadre de vie. Il dut battre en retraite, Mme Socé Diop Dione restant à son poste avec la bénédiction de buur et bummi. Mme Diop Dione sera finalement remplacée à l’Assemblée nationale par une certaine Fanta Sall.
Ce même 10 juin 2021, je suis également tombé sur le texte de la conférence de presse du Syndicat national des Travailleurs des Poste et Télécommunications, texte signé par M. Pierre Diémé. Cette conférence a été tenue le 9 juin 2021 et avait pour titre : « UN AUTRE ÉCHANTILLON DE LA GOUVERNANCE CATASTROPHIQUE DU SÉNÉGAL. » J’en retiens ce large extrait, et pour cause :
« L’adoption d’un nouvel organigramme avec 42 postes de rang de directeur (plus que la taille du gouvernement) et 7 postes d’assistants du DG au rang de chef de département avec avantages indus en nature et en numéraire, sans compter le nombre important de conseillers techniques; l’installation d’un cabinet « ministériel » pour caser une clientèle politique, à l’exclusion de tous les postiers ; la signature de contrats de prestataires de service au profit de ses partisans politiques avec des salaires indécents (le premier adjoint au maire de Kolda perçoit 590.000 FCFA/mois et bénéficie d’une dotation en carburant de 322 litres/mois estimés à 250.000 FCFA soit un montant total de 840.000 FCFA/mois sans aucune contrepartie pour La Poste ; un conseiller technique au Ministère du commerce est cumulativement nommé responsable de la communication et des relations publiques de La Poste avec rang de Directeur et un budget global de plus 600 millions.
Il soumissionne et gagne des marchés ; l’octroi de marchés dans différents domaines au beau-frère du DG sous le couvert de GKS dont la somme des montants attribués se chiffre à 96.320.000 FCFA entre Octobre 2019 et 2020. Tels sont entre autres les pratiques peu orthodoxes que les syndicalistes de la Poste ont relevé dans la gestion du Directeur général, Abdoulaye Baldé.
A cela s’ajoutent, l’octroi de subventions exagérées (entre 1 million et 5 millions) à des associations généralement basées dans sa zone politique et pour lesquelles on peut se permettre de douter de leur existence juridique ; des marchés de prestation de services intellectuels non nécessaires et parfois fictifs (paiement intégral d’un montant de plus de 25 millions au cabinet Impaxis pour la titrisation des créances sur la DGPSN (Délégation Générale à la Protection sociale et à la Solidarité Nationale) sans que les services ne soient effectués ; recrutement d’un cabinet pour accompagner La Poste à trouver des partenaires stratégiques) ; la démolition/reconstruction inopportune des carreaux du hall de la direction générale pour 22 millions ; la construction de nouveaux bureaux à la direction générale pour un montant global de plus de 100 millions ; l’utilisation des moyens logistiques de La Poste à des fins personnelles et politiques pour ses multiples déplacements dans son fief politique, entravant gravement les besoins d’exploitation et occasionnant des charges indues en indemnités de déplacement (pour sa cour politique) et en carburant ainsi que leur prise en charge dans les réceptifs hôteliers. »
Cet extrait est long, je le reconnais. Il donne une idée claire de la manière dont la Poste est gérée. Après cette conférence de presse, le Directeur général Abdoulaye Baldé a fait une sortie pour s’expliquer. Il reconnaît que l’entreprise connaît de sérieux problèmes qui ne datent pas d’aujourd’hui. Il ne dira pas qu’ils datent de la gestion antérieure, celle de Ciré Dia. C’est connu, cette gestion de celui qui brigue aujourd’hui la mairie de Thiès a été catastrophique. Elle a fait d’ailleurs l’objet d’un lourd dossier qui dort sur la table du Procureur de la République. Ciré Dia est d’ailleurs loin d’être seul dans cette situation. Les rapports de l’OFNAC de 2017 et de 2018 comme ceux avant eux, ont épinglé de nombreux directeurs généraux d’agences comme des maires et autres responsables de l’APR. L’Inspection générale d’État (IGE), la Cour des Comptes comme l’Agence de Régulation des Marchés publics (ARMP) en ont fait autant dans leurs nombreux rapports, pour rien. Je signale en passant que, de toutes ces dizaines et dizaines de rapports, seul celui de l’IGE qui mettait en cause Khalifa Ababacar Sall a retenu l’attention du président-politicien et de la Justice.
Pour poursuivre donc avec mes agences dites nationales, si je puis m’exprimer ainsi, elles sont, pour l’essentiel, aussi nombreuses que coûteuses et inefficaces. Personne ne sait vraiment combien elles sont, même pas celui qui en crée à sa convenance pour entretenir sa clientèle politique, familiale et même religieuse. Des voix autorisées ont toujours attiré l’attention des autorités sur les milliards qui y sont investis pour pas grand-chose, sinon pour distribuer des sinécures. Ainsi, pendant tout le temps qu’il a été Représentant Résident du FMI au Sénégal, M. Boileau Loko a insisté, chaque fois qu’il en avait l’opportunité, sur l’urgence et la nécessité d’accélérer le plan de restructuration des agences, pour minimiser les dépenses superflues. Il lui est arrivé d’aller plus loin, en préconisant purement et simplement, pour une rationalisation des dépenses publiques, la suppression de la plupart de ces structures, ‘’qui constituent des doublons par rapport à certains départements ministériels’’. Plus catégorique encore, il a déclaré : « Il y a de nombreuses agences qui n’apportent rien à l’Etat du Sénégal. Aucune valeur ajoutée, rien du tout. »
Nous le savions déjà et l’avons toujours clamé haut et fort. Malheureusement, notre voix ne porte pas loin. Toute réforme, au Sénégal, devrait donc restructurer profondément ces agences budgétivores pour rien, pour en diminuer de façon drastique le nombre[1]. Le président-politicien s’y était fortement engagé, mais nous nous sommes désormais fait une religion sur ses engagements, qui ne valent plus un copeck. On ne le rappellera jamais assez.
Ces agences qui n’apportent rien à l’État mais qui lui coûtent des milliards posent donc vraiment problème et ne laissent pas toujours indifférent. La preuve, lorsde la 6ème revue de l’Instrument de soutien à la politique économique (ISPE) conclu le 20 décembre 2013, la question des agences nationales a été largement abordée, et sans complaisance (se reporter au quotidien ‘’Enquête du 9 janvier 2014, page 9). Á cette occasion, des réformes ont été proposées, notamment celle visant à « rationnaliser le recours aux agences de l’État, qui se sont multipliées dans les années 2000 et ont nui à la transparence des dépenses publiques (…), à la gestion budgétaire et à l’efficacité de la dépense publique ». Une étude faite à cet effet et portant sur plus de 50 agences révèle qu’elles comptent 3000 salariés, dont la rémunération moyenne est environ deux fois plus élevée que dans la Fonction publique (et davantage encore pour les cadres supérieurs). ‘’Elles gèrent environ 820 milliards de francs CFA (soit environ la taille du budget d’investissement)’’.
La cause est entendue : ces centaines de milliards dépensés vraiment pour rien ou presque, devraient servir beaucoup plus utilement à construire des hôpitaux, des centres de santé, des écoles, des collèges, des lycées, des universités, des forages, des routes, etc. Tout président de la République sérieux, plus homme d’État que vulgaire politicien, s’y emploierait sans tambour ni trompette, sans avoir besoin de déplacer chaque fois toute la coûteuse République, pour inaugurer une banale infrastructure sanitaire, routière, scolaire ou universitaire.
Je conclus cette contribution, pour éviter qu’elle soit trop longue, avec la promesse de revenir sur les indemnités diverses qui nous coûtent aussi cher que les agences dites nationales, au détriment des besoins aussi pressants que légitimes des populations. Ce sera dans ma prochaine contribution, incha’ALLAH.
Dakar, le 17 juin 2021
Mody Niang
[1] Quand ils quittaient le pouvoir, les Socialistes ne nous ont laissé que quatre à cinq agences, peut-être même moins.
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