À quelle «Mimi» se fier ? (Par Abdoulaye KHOUMA)

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Madame Aminata Touré a rompu avec le Président Macky Sall. La désignation de Amadou Mame Diop comme candidat de Benno Bokk Yakaar pour la présidence de l’Assemblée nationale, est passée par là. Elle a annoncé la nouvelle du divorce au cours d’une conférence de presse tenue ce dimanche. Il n’y avait pas de suspense. Mais face aux journalistes, l’ancienne Première ministre a multiplié les déclarations contradictoires, par rapport à des positions qu’elle avait prises naguère. Ce qui trahit une inconstance devenue son signe particulier.
 
«Mimi» insinue qu’elle a été écartée du perchoir parce qu’elle est contre une troisième candidature de Macky Sall à la présidentielle de 2024. «Si j’étais favorable au troisième mandat, je serais aujourd’hui présidente de l’Assemblée nationale», affirme-t-elle. En faisant cette déclaration, elle a peut-être oublié qu’après avoir boudé l’élection du titulaire du perchoir (finalement Amadou Mame Diop), lundi 12 septembre, elle avait confié à L’Observateur avoir été écartée au profit du maire de Richard-Toll parce que simplement ce dernier est membre de la famille présidentielle. Du troisième mandat, il n’en a pas été question. Tout était lié, selon elle, à la primauté des relations familiales sur le mérite.
 
Deuxième preuve d’inconstance : l’ancienne Garde des Sceaux a toujours clamé abhorrer mettre sur la place publique le contenu de ses discussions privées avec le président de la République. Pourtant, face à la presse, elle a violé son serment en révélant que Macky Sall lui aurait promis, en coulisses, la présidence de l’Assemblée nationale. «On en avait discuté, et nous avions convenu que le poste me reviendrait, jure-telle. Nous avions un accord. C’est la vérité, et je tenais à le dire. C’est le lundi, jour d’installation de l’Assemblée, à 9 heures, que le Président m’a appelée pour me dire qu’il a changé d’avis et qu’il avait porté son choix sur un autre profil.»
 
Soit. Quid du motif de ce changement d’avis ? Madame Aminata Touré a-t-elle cherché à savoir ? Parce qu’en politique, les vérités d’aujourd’hui ne sont pas forcément celles de demain. Savait-elle qu’une trentaine de députés contestaient sa désignation comme candidate de Benno pour le perchoir ? Ces derniers, renseignent certaines sources, invoquaient son caractère clivant et, surtout, son manque de légitimité politique, avec ses défaites successives à Grand-Yoff (Locales 2014) et dans son propre bureau de vote à Kaolack.
 
Ils menaçaient de voter contre elle, si sa candidature était maintenue. « Si elle avait été maintenue candidate de Benno, l’opposition avait de grandes chances de prendre le perchoir. Le Président a dû en tenir compte», souffle un ancien ministre-conseiller de Macky Sall.
 
En tout cas, pour Mimi Touré, c’était la goutte de trop. Lorsqu’elle a appris qu’elle n’était pas dans la course, elle a pris ses cliques et ses claques et quitté ses collègues pour aller se plaindre d’une énième «injustice».
 
Cette attitude également est en contradiction avec une déclaration qu’elle avait faite il y a cinq ans, à l’approche des Législatives de 2017. Les querelles de positionnement entre responsables de l’APR faisaient rage. Dans un entretien paru dans le journal Enquête, elle plaidait pour le respect des choix présidentiels. Elle disait : «Le président de la République a un parcours que les Sénégalais connaissent. (…) C’est par son autorité et sa personnalité qu’il est allé à la conquête de son destin et gère le pays. Maintenant, comme un bon père de famille, quand il prend les décisions qui concernent son parti, ce sont des décisions privées. On ne les étale pas sur la place publique. Ce qui l’intéresse fondamentalement, au-delà des activités de l’APR, c’est la marche du pays. C’est cela le plus important dans le calendrier du Président.»
 
C’est la troisième fois que Mimi Touré se fâche avec le Président Macky Sall. Elle lui avait tourné le dos après qu’elle a été démise de ses fonctions de Première ministre. Elle avait remis le couvert lorsqu’elle a été remplacée par Idrissa Seck à la tête du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Le point commun de ses trois départs avec fracas : une décision du chef de l’Etat d’aller à l’encontre de ses désirs. Ce qui inspire cet avis tranché à un analyste politique ayant requis l’anonymat : «Mimi est une situationniste. Elle change d’opinion et de conviction en fonction de sa situation personnelle.»
 
Landing Savané, dont elle a été la directrice de campagne lors de la présidentielle de 1993, n’abonde pas dans ce sens. Le leader historique d’AJ/PADS pointe néanmoins le manque de souplesse de son ancienne collaboratrice. «C’est une femme qui a du caractère et qui a de l’ambition pour son pays, qui a le feu sacré. (… ) Mais, ça ne suffit pas : les Sénégalais, pour les conduire, il faut avoir la capacité de dialoguer», confiait-t-il à RFI au lendemain de la nomination de Mimi Touré à la Primature, en septembre 2013.
 
Malgré cet handicap manifeste, l’ancienne Première ministre n’écarte pas la possibilité de briguer la présidence de la République en 2024. «J’irai à la rencontre des Sénégalais pour échanger avec eux avant de prendre une décision», a-t-elle déclaré. Poussant un ancien député à s’interroger : «Comme peut-elle espérer convaincre les Sénégalais de la porter à la présidence de la République alors qu’elle a été battue aux Locales à Grand-Yoff et humiliée dans son propre bureau de vote à Kaolack ?»

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