De Dieu nous venons, à Dieu nous retournerons. Telle est notre fatale condition comme les Ecritures saintes nous le rappellent. Le vendredi 26 mars, la faucheuse nous a ravi Makane Faye sur la route de Touba où il venait d’enterrer un de ses frères.
Makane, comme tout le monde l’appelait affectueusement, appartenait à ces premières générations d’informaticiens sénégalais. Il fut, pendant 23 ans, fonctionnaire de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) en charge du Programme des TIC pour le développement et la gestion de la connaissance connaissances, après avoir mis en place le Centre de documentation et d’information de l’Organisation africaine de normalisation à Nairobi, au Kenya. Makane fut en outre un membre fondateur du Forum africain sur la Gouvernance de l’internet. Président de l’Association des anciens fonctionnaires internationaux du Sénégal (ASAFI), Makane a été également le président de la Fédération des syndicats et Associations de fonctionnaires des Nations unies.
Makane se faisait le devoir monastique d’accueillir à l’aéroport international de Bole tous les fonctionnaires et diplomates venant prendre fonction à Addis Abeba. Mon fils, à qui j’appris la mauvaise nouvelle, me rappela que c’est de sa fameuse voiture rouge de marque Mutsubishi qu’il a vu les premières images de la ville d’Addis Abeba. C’était le 8 octobre 2002, il était 6 heures du matin et il faisait un froid de montagne sur la ville.
Je suis arrivé à Addis en septembre 2002, Makane, doyen de la Communauté sénégalaise, venait de passer déjà 10 ans dans cette capitale de l’Afrique ou la vie n’était encore aussi facile que de nos jours. C’était le temps où il fallait profiter de toutes les sorties du territoire pour faire provision de bien de choses de la vie ordinaire. Le Grand, c’est ainsi que je l’ai toujours appelé, avait acquis les bons réflexes d’un habitué des situations de pénurie. Connaissant les habitudes alimentaires particulières de nos compatriotes, il pouvait réserver tout le stock disponible d’un produit et appeler tout le monde. Il avait à l’esprit les besoins spécifiques de chacun et surtout des enfants. Makane, grand voyageur devant l’éternel, ne passait pas beaucoup de temps à Addis, mais pour lui toutes les occasions étaient bonnes pour rassembler la communauté et partager la cuisine exquise de Tabara, son épouse. Hauts fonctionnaires, gradés de notre armée, en mission ou en transit, voyageurs en rade, dans la région, tous étaient accueillis par la famille Faye, pour un repas avec la communauté. Dans la pure tradition sénégalaise, son épouse Tabara en plus de faire la cuisine pour elles pour des jours, se faisait le devoir de faire découvrir aux nouvelles arrivées les différents marchés et supermarchés de la ville. A l’occasion de la Tabaski, il nous rassemblait tous pour aller acheter le bélier du sacrifice. Les visites du Président de la République du Sénégal et de ses ministres, lors des grandes réunions de l’Union africaine et des Nations unies, étaient l’occasion pour leur faire part des difficultés vécues par la communauté sénégalaise de l’Afrique de l’Est en général. Je me souviens encore des nombreuses démarches qu’il a menées auprès du Ministère des finances pour obtenir de l’autorité une exonération de taxe sur le véhicule importe par les retraites du système international qui rentrent au pays.
Nous venons de perdre un frère d’une extrême bonté, profondément ancré dans nos valeurs de dignité, d’humilité de générosité et de partage. Pour ma part, j’en n’ai pas rencontré beaucoup comme Makane. Il fut simplement un homme bon et dévoué à toutes les causes, sa famille, les amis, les collègues, son pays et l’Afrique. Je puis témoigner, pour avoir vécu dans sa proximité pendant presque quinze ans, que je n’ai jamais entendu Makane dire du mal d’autrui. Je l’ai surtout vu aider, dans la plus grande discrétion, des gens dans le besoin. Combien de familles il faisait vivre ? personne ne le saura.
A Dieu nous appartenons, à Lui nous retournerons. Alors restera toujours le souvenir, fasse le Seigneur qu’il soit dans le sens du Bien. Si « l’art est un antidestin » comme disait André Malraux, alors la bonne action témoignera éternellement pour l’homme de Bien. Jeuf ju baax du reer borom.
Que le Seigneur lui accorde sa profonde miséricorde et l’accueille en son Paradis. A Tabara, sa veuve, a ses enfants, et à tous nos ainés d’Addis, nous présentons, au nom de toute la communauté sénégalaise d’Addis Abeba, nos sincères condoléances.
Au revoir, Grand. Je suis fier de rester pour toi : My Boy.
Amadou Diongue,
Union africaine
Addis- Abeba
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