A l’épreuve du Covid-19, quelle lecture spirituelle à la lumière de la Foi ? (Par Abbé Robert Dione)

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Introduction

Depuis quelques mois, un virus appelé par les scientifiques Covid-19 bouleverse la marche du monde. Il a pratiquement mis à l’arrêt le fonctionnement ordinaire et habituel de l’ordre temporel et même spirituel. Cette crise sanitaire actuelle qui nous vivons, nous interpelle tous.  

Voilà pourquoi, une telle situation ne peut nous laisser sans voix. Elle nous invite à une introspection pour mieux vivre le présent et envisager l’avenir qui n’augure pas des lendemains meilleurs. En ces moments difficiles que vit l’humanité tout entière, nous ne saurions donc ne pas déployer à nouveau notre intériorité en lien avec les Ecritures Saintes, au regard du Covid-19. 

En conséquence, à l’épreuve de la pandémie de Coronavirus, quelle lecture spirituelle à la lumière de la Foi ? La spiritualité, en tant que relation avec l’invisible peut prendre, en pareille circonstance de Coronavirus, tout son sens. Le socle de la Foi qu’est la Bible nous éclaire à bien des égards à ce sujet. Partant donc des Saintes Ecritures, nous pourrons tirer et retenir quelques leçons spirituelles du Covid-19 qui est inédit.  

I – La crise sanitaire à la lumière de la Bible

Si nous nous référons à l’Ancien Testament (AT), plusieurs catastrophes bibliques ont conduit le peuple de Dieu à revoir sa relation à son Dieu. Nous pouvons évoquer, par exemple, les plaies d’Égypte dans le Livre de l’Exode (Ex 7, 1sv) ; également au désert avec Moïse et le peuple hébreux en marche vers la Terre Promise, l’épisode du Serpent d’airain dressé sur un mat pour guérir de la morsure mortelle des serpents brûlants dans le Livre des Nombres (Nb 21, 1sv). Le sens de ce récit a eu son sens plénier dans le Nouveau Testament (NT) avec

Croix glorieuse, signe et symbole de Salut pour l’humanité malade de cette autre pandémie qu’est le péché. 

Nous évoquons là juste deux épisodes de l’Ancien Testament qui ont abouti à la nécessité pour les hébreux de se convertir, de changer la façon d’être, de penser et de vivre qui ne conduit pas vers Dieu (cf. Dt 28, 21 ; Lv 26, 25). 

A la suite du Peuple de Dieu de l’Ancien Testament, le contexte de la pandémie de Coronavirus peut, si était besoin, nous interpeller pour nous convertir hic et nunc ; mieux encore, pour œuvrer davantage à l’avènement d’un monde autre que celui d’avant Covid-19, de par une nouvelle façon de construire et façonner ce monde, non à partir de l’unique avoir mais en partant de l’être pour un mieuxêtre de l’humanité.

Dans ce contexte de crise sanitaire, il ne faudra surtout pas voir en Dieu l’origine de la pandémie de Coronavirus qui bouleverse le monde et, partant, notre continent, notre pays. Non ! Dieu ne peut être l’Auteur de nos maux et malheurs. Par conséquent, c’est en l’homme qu’il faut rechercher l’origine du Mal ; celui-ci étant de l’ordre de l’accident et non de la création : « Dieu est Lumière, en lui point de ténèbres » nous dit St Jean (1Jn 1, 5).

En effet, nous a-t-on appris au catéchisme dès le bas âge, Dieu n’est pas l’Auteur du Mal et ne peut nous faire de mal ; au contraire, c’est à lui que nous recourons pour nous délivrer du Malin. C’est ce qu’exprime si bien et à merveille, la finale de la belle prière du « Notre Père » : « Délivre nous du mal » (Mt6, 13). Dieu est, au contraire, le seul Auteur du Souffle qui donne vie à chaque personne. Voilà pourquoi, s’il est vrai que c’est l’homme qui soigne la maladie, c’est Dieu qui, en définitive, guérit physiquement, mais aussi spirituellement (Jr 29, 11-14). Toute proportion gardée, nous sommes loin de sous-estimer la place et le rôle important, primordial et irremplaçable du médecin dans la lutte contre une pandémie en période de crise sanitaire. Dans l’Ancien Testament, Ben Sirac le Sage, Scribe du IIe siècle avant notre ère, auteur du Siracide, va jusqu’à formuler le célèbre dicton : « Honore le médecin avant d’avoir besoin de lui » (livre de ben Sirac le Sage 38, 1sv).Il n’est pas concevable, par le seul fait d’être croyant, de s’en remettre exclusivement à la Providence divine en cas de maladie, notamment dans un contexte de  pandémie de Coronavirus. Nul n’a le droit de la sorte, de mettre en danger sa vie et celle des autres ; car la vie est un Don de Dieu, dont nous avons l’obligation de prendre soin individuellement et collectivement.

Toujours dans l’Ancien Testament, le confinement se retrouve dans le Livre de l’Exode au profit du peuple hébreux avant l’heure de la délivrance des descendants d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, retenus en esclavage en Égypte : « Quant à vous, que personne ne franchisse la porte de sa maison jusqu’au matin » (Ex 12, 22). Nous avons là une forme de couvre-feu avant la lettre. Pour avoir la vie sauve, ces mesures de confinement se sont révélées efficaces pour les enfants d’Israël. Par ailleurs, dans le Livre d’Isaïe est exprimée l’idée d’un confinement nécessaire durant toute la période au cours de laquelle sévit l’épidémie : « Va, mon peuple, retire-toi dans tes demeures, et ferme les portes derrière toi ; cache-toi un court instant, jusqu’à ce que la bourrasque soit passée » (Is 26, 20). 

C’est en cela qu’il est possible de voir dans le couvre-feu et les gestes barrières une valeur spirituelle, parce les décisions, les gestes et les actions nous sauvent nous-mêmes et protègent les autres et la collectivité. Face à la pandémie de Covid-19 qui sévit actuellement, il est possible donc de donner au confinement un sens spirituel dans la lutte individuelle et collective contre la pandémie du Coronavirus à travers les gestes barrières au quotidien. 

Cette crise sanitaire mondiale que nous vivons, nous montre aussi combien l’homme est fragile. Le Psalmiste l’exprime bien : « fais-moi savoir, Yahvé, ma fin et quelle est la mesure de mes jours, que je sache combien je suis fragile » (Ps 39, 5). Si nous ne l’aurions pas, nous l’apprendrions à notre dépend. L’homme demeure et reste un être fragile. Il sied dès lors de faire notre cette prière du Psalmiste : « Seigneur apprends-nous la vraie mesure de nos jours » (Ps 89, 12). 

II – Quelques leçons spirituelles à retenir du Covid-19

Parmi les nombreuses leçons à tirer de ce virus dangereux et très contagieux, évoquons quelques-unes. La pandémie de Covid-19 révèle donc au grand jour que l’homme est fragile ; une vulnérabilité qui vient rappeler à l’humanité que malgré la rationalité de l’homme, sa raison se heurte à une sorte de voile ; celui de la limite humaine. En cela, le nécessaire saut dans une sorte de vide qui conduit dans le domaine de la Foi devient inéluctable, parce qu’étape supérieure à la raison qui permet à l’homme d’aller au-delà de sa limite humaine naturelle. Ce prolongement qui mène l’homme au-delà de sa raison, c’est la Foi. A cet effet, la pandémie du Coronavirus montre à merveille que notre monde est malade de l’absence de Foi chez beaucoup de personnes. Un monde frappé donc de cette autre pandémie, en Occident en particulier, qui consiste à vouloir fonctionner sans cette référence à la Foi, qui seule peut trouver solution à « l’insolutionnable » pour l’homme, naturellement limité par sa raison humaine. 

Le Covid-19 ne fait pas de différence entre les hommes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa » (Gn 2, 17). Dieu qui, lui-même ne fait pas acception des personnes : « Pierre prit la parole et dit : Je constate en vérité que Dieu ne fait pas acception des personnes » (Ac 10, 34). Le fait que le virus ne fait pas de discrimination entre les hommes rappelle à souhait que Dupont n’est pas plus que Demba et que Massamba n’est pas moins que Christophe. Les barrières de couleur de la peau, de la langue ou de la situation sociale font place, avec le Covid-19, aux gestes barrières édictés par les autorités compétentes de la Santé. Face au Coronavirus, la pandémie réaffirme que les hommes sont certes différents, mais tous égaux.

Les restrictions demandées ou imposées, à bon escients du reste, dans la pratique communautaire de la Foi, ont accru chez plus d’un, le besoin de Dieu en plusieurs domaines de leur vie ;  le besoin de Dieu pour les autres personnes aussi, en particulier celles affectées par le virus ; le besoin de Dieu pour la vie du monde, des Institutions nationales et internationales et enfin pour les personnes qui incarnent celles-ci et président à leur destinée. Par ailleurs, le Covid-19 a sans doute permis de mettre l’accent sur la vitalité de l’Eglise domestique et sur la prière individuelle. 

Notre interdépendance les uns envers les autres, dans le respect et la mise de règles de Santé publique est fondamental pour lutter contre la pandémie de

Covid-19 ; mais, la victoire totale et définitive ne sera pas que physique et matérielle ; car, comme dit l’adage, l’homme propose et Dieu dispose. En effet, la vie de l’homme est dans la main de Dieu dira Job : « Nu, je suis sorti du sein maternel, nu, j’y retournerai. Yahvé avait donné, Yahvé a repris : que le nom de Yahvé soit béni » (Job 1, 21). Le Covid-19 nous le rappelle à souhait. La pandémie du Coronavirus interpelle l’Homme d’aujourd’hui à plus d’un titre. Or, l’être humain n’a pas de maitrise sur tout. La preuve en est qu’aucun Etat, aucune Institution ni personne n’a vu venir la pandémie ; tous les Etats ont pratiquement été pris au dépourvu. L’homme ne pouvant être maitre de tout, n’a pu maitriser et contrôler, comme souhaité, la propagation du virus. Ceci vient rappeler encore à l’Homme que Dieu seul est Maître du Temps et de l’histoire.  Posons-nous cette question : A-t-on donné assez de place à Dieu face au Covid19 que nous vivons ? Coronavirus a réussi la prouesse que ni les politiques ou autres événements et circonstances imprévues n’ont pu réussir : fermer les lieux de culte, à raison certes, vu la gravité de la situation du moment. La pandémie a grandement conduit à couper l’homme de l’exercice de la célébration communautaire des rites cultuels de la Foi.

Autre leçon à tirer de Coronavirus, c’est de nous demander en définitive, qu’estce qui est le plus important dans notre vie ? Le temps d’arrêt qu’a imposé le Covid-19 à l’humanité va-t-il aider à distinguer le principal de l’accessoire en cette vie d’ici-bas ? Celles et ceux qui parmi nous vivent sans référence à Dieu, comprendront-ils désormais que toute vie doit finir en Dieu ; parce que pèlerin sur cette terre, le Psalmiste rappelle que « toute vie doit finir. Peut-on vivre indéfiniment sans jamais voir la fosse ? » (Ps 48, 9b-10) !

Face à la pandémie de Covid-19 qui bouleverse encore le monde, notre vie et nos projets, la prière doit occuper une place de choix pour tous, pour l’éradication de ce mal. La solution aux pandémies qui adviennent n’est pas qu’humaine. Dans le Livre de la Genèse (20,17), c’est par la prière d’Abraham que le roi Abimélek, qui avait enlevé son épouse Sarah pour tenter d’abuser d’elle, a obtenu la guérison : « Abraham intercéda auprès de Dieu et Dieu guérit Abimélek, sa femme et ses servantes ». La prière a une place importante pour la guérison de nos malades en général et, en particulier ceux atteints du Coronavirus. Les évangiles, en particulier celui de St Luc, sont traversés par les nombreux récits de miracles où Jésus guérit les malades. Sans se substituer aux soins médicaux, comme évoqué plus haut, la prière est une thérapie spirituelle qui apaise et guérit physiquement, moralement et spirituellement. C’est le cas pour le roi Ézéchias avec le prophète Isaïe : « Ezéchias fut atteint d’une maladie mortelle…; Dieu dit : J’ai entendu ta prière, j’ai vu tes larmes. Je vais te guérir : dans trois jours, tu monteras au Temple de Yahvé. J’ajouterai quinze années à ta vie, je te délivrerai, toi et cette ville ». 2R 20, 1a. 5 in fine à 6a).

Au Psaume 124, 8, nous lisons, « notre secours est dans le Nom du Seigneur ». Au milieu des difficultés, notre Foi doit nous rappeler que Dieu ne nous abandonne jamais. Ceci consolide notre espérance en Lui : « l’espérance ne déçoit point, parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous fut donné » (Rm 5, 5). Pour le croyant, le mal n’a jamais eu le dernier mot ou la victoire finale. Notre foi chrétienne nous rappelle que Jésus, par sa Résurrection, est Vainqueur du Mal et de la mort. Dans la situation difficile que nous vivons, que vit le monde, nous ne sommes pas seul. Face au Covid-19, nous ne sommes pas non plus sans espérance, comme déjà exprimé :

« Moi, dit Jésus, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Mt 28, 20) ; et encore « Je vous ai dit ces choses, pour que vous ayez la paix en moi. Dans le monde vous aurez à souffrir. Mais gardez courage ! J’ai vaincu le monde » (Jn 16, 33). St Paul ne disait pas autre chose aux Athéniens : « en Dieu nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Ac 17, 28). 

En conclusion, l’avènement de cette pandémie de Coronavirus a permis de relever les insuffisances de la gouvernance mondiale, les limites du système et le fonctionnement des Institutions internationales et étatiques ; Covid-19, étonnamment écrit en majuscule, a mis nu les déficiences des structures de Santé, même dans les pays supposés développés ; déficiences plus prononcés, dans des domaines même de souveraineté pour les pays dit émergeants, qui nécessitent des réformes urgentes. 

En somme, la pandémie de coronavirus a mis à jour la fragilité et de l’homme et des sociétés humaines. Mais d’où alors, le secours nous viendra-t-il ? Le Psalmiste répond : « Le secours me vient du Seigneur, Qui a fait les cieux et la terre » (Ps 121, 1b-2). Oui,  « Le Seigneur est mon abri, ma forteresse, mon

Dieu sur qui je compte (…). Qu’il  en tombe mille à tes côtés et 10.000 à ta droite, toi, tu restes hors d’atteinte ». (Ps 91, 2.7) : « Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure (Ps 22, 4). En dernier ressort, la Foi en Dieu reste incontournable dans la recherche de solutions à la santé d’un monde qui, de toute évidence, doit compter sur Dieu dans la conduite de sa destinée nouvelle au sortir du Covid-19.

Abbé Robert DIONE,

Curé de la Paroisse St Augustin de Goudiry

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