2024, année de la jeunesse ? (Par Sidy DIOP)

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Invité de l’émission « Sortie » sur Walftv dimanche dernier, Cheikh Tidiane Dièye, coordonnateur de la plateforme « Avenir Senegaal bi ñu bëgg » et membre de la coalition Yewwi Askan Wi, n’a pas fait montre d’une satisfaction débordante après le vote de la modification du Code électoral le samedi 5 août 2023. La réhabilitation de Karim Wade et de Khalifa Sall n’est pas, pour lui, une grande nouvelle. «Comme le pouvoir actuel, ils sont tous les deux des membres de ce système dont les jeunes ne veulent plus entendre parler. Ils disparaîtront avec lui en 2024 parce qu’ils représentent une manière d’envisager l’action politique qui est aujourd’hui rejetée par les citoyens », défend-il avec aplomb.

C’est la même assurance qui se dégage sur les réseaux sociaux. Nombre de jeunes multiplient « posts » et « tweets » pour dire que cette « vieille classe politique » a entonné le chant du cygne et qu’il ne lui reste qu’à mourir de sa belle mort. La date de l’enterrement est d’ailleurs fixée : ce sera le 2 avril 2024, lors de la cérémonie de prestation de serment de celui qu’ils auront contribué à élire. Couronnes et fleurs sont en préparation. Et une épitaphe qui dira « ci-git l’ancien monde ». Cette exubérance revancharde est déclamée avec une violence verbale qui en dit long sur la volonté de ces procureurs numériques d’en finir avec un ordre qui ne leur réserve pas le beau (bon) rôle.

Le « nouveau monde » qui s’apprête à lancer son cri de naissance se fera donc sans les vertus que nous enseignait l’ancien. Ses hérauts ont su créer un clivage pour incarner une ligne politique, celle du remplacement. Remplacer le système par un autre, les hommes par d’autres. Le pays, cependant, restera le même, car les habitudes ont la vie dure. Parce que c’est une chose de proclamer le changement, c’en est une autre d’y parvenir.

Les jeunes qui représentent assurément la majorité sociologique sont-ils une majorité électorale ? La mission d’audit du fichier électoral qui a rendu ses conclusions le 5 mai 2021 a répondu par la négative. Elle révèle que près de la moitié des jeunes de 18-25 ans ne sont pas inscrits sur les listes électorales. 53,8% des 18-25 ans inscrits, soit 46,2% qui ne le sont pas. Le taux est particulièrement bas pour les nouveaux majeurs, de 18 à 20 ans : au niveau national, 9,3% seulement peuvent exercer leur droit de vote. Les révisions des listes pour les dernières législatives et pour la prochaine présidentielle ont, sans doute, pu légèrement améliorer la représentativité des jeunes dans le fichier électoral, mais la tendance est globalement restée la même. Il faudra, certainement, plusieurs révisions pour renverser la tendance. On peut penser que cela se fera avec le temps car les jeunes ont acquis une nouvelle conscience citoyenne très aiguisée et seront, sous peu, les faiseurs de rois.

Pour 2024 cependant, rien ne permet d’affirmer que l’élection se décidera dans la frange la plus jeune de l’électorat, même s’il ne faut pas minimiser, non plus, son poids. Quelques chiffres suffisent à relativiser cette « vérité » qui annonce la mort de l’ancien monde. Lors des législatives du 31 juillet 2022, Yewwi Askan Wi et son « champion » Ousmane Sonko ont obtenu 1071139 voix soit 32,85 % des voix, contre 1518137 voix (46,56 %) pour Bennoo et 471517 (14,46 %) pour Wallu Sénégal. La popularité de Sonko et les foules qui ont accompagné sa procession sur les routes du Sénégal n’ont pas permis à Yewwi de rafler la mise. Comme quoi, scander « ni X ni Y » ne suffit pas à s’assurer un pôle d’attraction naturel.
En l’absence d’une classe moyenne structurée et suffisamment influente pour décider du cours des élections, ces dernières se sont toujours jouées au niveau des classes populaires. C’est ce qui explique que la perte des grandes villes par le pouvoir ne s’est pas traduite par un affaissement de ses performances électorales.

La vision d’une République présumée coupable face à la « jeunesse » a encore du chemin à faire pour s’imposer dans les urnes, mais c’est inscrit dans le temps. Une génération n’a pas besoin de proclamer « je suis jeune » pour s’ouvrir un boulevard vers le pouvoir. La jeunesse passe et n’a jamais été suffisante pour grimper au sommet de l’Everest du pouvoir.

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