La production d’or au Sénégal a atteint en 2020 près de 16,2 tonnes. La valeur de cette production est estimée à 536 milliards de francs. Cependant, l’opinion peine à savoir ce que le Sénégal tire réellement de l’or exploité à partir de son sous-sol. Globalement les caisses de l’Etat ont reçu des revenus tirés du secteur minier qui sont passés de 111,90 milliards de frs en 2018 à 134, 49 milliards de frs en 2019. L’on s’interroge sur la part de l’or dans la contribution de ce secteur. Il faut noter que sans bousculer le Mali, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire qui dominent la filière en Afrique de l’Ouest, le Sénégal connait quand même une production d’or appréciable.
Le Sénégal devient de plus en plus un pays producteur d’or. Dans un rapport publié mardi 01 juin dernier, la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) évoque les activités des industries extractives notamment de l’or, de l’uranium et de phosphate au niveau de l’Afrique de l’Ouest. Le rapport de 105 pages révèle que 183 tonnes et 246 kg d’or ont été extraites dans l’Union en 2020. Une hausse de 7,5 % par rapport à 2019 après une progression marquée de 10,0% en 2019, a révélé ce rapport rendu public le 20 mai 2021.
Le Mali reste leader dans la sous-région avec 71 tonnes 237 kg produites. Le Burkina Faso suit un peu loin derrière avec 62 tonnes 138 kg, puis la Côte d’Ivoire avec 33 tonnes et 500 kg.
Le Sénégal pointe en quatrième position avec une production de 16 tonnes 237 kg et le Niger est cinquième avec 134 kg. La simulation des prix est souvent faite à partir du baromètre fixé par le Comptoir national de l’or qui se présente comme le leader français de l’achat et de la vente de ce métal précieux. Le lingot d’or (1 kg) est estimé à 50.350 euros (soit 33 millions 27 450 F Cfa). Ce qui revient à dire que de l’or extrait en 2020 au Sénégal est d’une valeur de 536 milliards 266 millions 705 mille 650 francs.
Pourtant l’or ne brille pas au Sénégal
De cette manne financière de 536 milliards de frs, l’on peine à voir ce que le Sénégal gagne réellement sur son or. Globalement, notre pays a pu tirer des revenus estimés à 134,49 milliards de frs en 2019 sur l’ensemble du secteur minier. Un chiffre en progression puisqu’il était de 111,90 milliards de frs en 2018.
Cette augmentation s’explique, selon le dernier rapport de l’Initiative pour la Transparence dans les industries extractives (ITIE) de 2019 publié en décembre 2020, par la hausse des productions d’or, de minéraux lourds et des cours mondiaux de ces produits miniers ainsi que des paiements effectués par la société SGO en 2019, relatifs à des redressements fiscaux d’un montant de 5,00 milliards de FCFA.
Une production atteignant 16,2 tonnes d’or en 2020 est la preuve qu’il y a une véritable ruée vers l’or au Sénégal. Cependant, le métal jaune ne brille pas encore pour notre pays. Outre les récriminations éternelles des bijoutiers en or qui ne voient jamais la couleur de l’or (voir encadré), les populations de Tambacounda et de Kédougou restent les plus pauvres du Sénégal.
Dans son dernier rapport 2019, l’ITIE note qu’ « au Sénégal, l’extraction minière artisanale et à petite échelle (EMAPE) d’or constitue à la fois un secteur important du point de vue écologique, social et économique et un secteur où la grande partie de ses activités est informelle. Les activités de l’EMAPE sont pratiquées dans deux (2) des quatorze (14) régions du Sénégal, en l’occurrence la région de Kédougou et celle de Tambacounda. La région de Kédougou est celle où l’activité est la plus présente. En effet, 96 % des sites se trouvent dans cette région contre 4 % pour Tambacounda. Dans le cadre d’une étude 253 réalisée en 2018, il a été estimé que la population minière du Sénégal est d’environ 31 000 personnes. À peu près, 25 000 personnes travaillent dans le secteur dans la région de Kédougou et environ 6 000 à Tambacounda. Parmi cette population on trouve 60 % d’étrangers provenant d’au moins dix (10) pays, principalement du Mali, de la Guinée et du Burkina Faso. Les enfants et les femmes sont également très représentés dans le secteur. En effet, il a été estimé que près de 50 % de la main-d’œuvre est constituée de femmes et 6 % d’enfants. Dans le cadre de cette étude, il a été estimé en 2018 que 3,9 t/an (3 952,31 kg/an) d’or sont produites par an au Sénégal, dont environ 3 t/ an (2 983,65 kg/an) proviennent de la région de Kédougou et 0,9 t/an (968,66 kg/an) de la région de Tambacounda ».
« Seulement en termes de contributions, il faut apprécier diversement l’apport des entreprises aurifères dans notre économie. Du point de vue poids économique, les entreprises aurifères qui emploient 7951 personnes pèsent une masse salariale de 84 milliards en 2019. Il y a aussi l’aspect investissement. Globalement si les entreprises aurifères font principalement leurs achats à l’extérieur dans le domaine des infrastructures techniques pour leurs usines, elles font vivre aussi beaucoup de PME-PMI dans des domaines divers comme les matériaux de base, la restauration, la manufacture… Ces entreprises aurifères ont été secouées par les populations de Tambacounda et de Kédougou qui à travers des organisations et mouvements citoyens ont initié des séries de manifestations ces dernières années pour les amener à faire beaucoup plus dans le cadre de la Responsabilité sociétale d’entreprise. Une telle situation a débouché sur de nombreux protocoles d’accord visant à améliorer le sort des populations » explique, sous anonymat, un ancien cadre de l’ITIE.
A l’en croire, il y aurait une vraie nébuleuse dans la filière Or. De fait, on ne sait pas réellement, en dehors de la contribution classique comme les impôts et autres, ce que la filière Or rapporte à notre pays.
Une production d’or en hausse
En tout cas, le secteur est dans ne bonne dynamique puisque les objectifs fixés en 2018 par le Gouvernement, étaient d’atteindre une production de 12,3 tonnes d’or dont 7,2 tonnes (t) de l’exploitation des gisements de Sabodala, 4,3 t du gisement de Mako et 0,8 t du gisement de Karakene. La Suisse est le premier pays destinataire des exportations du secteur extractif au Sénégal en 2019, avec un volume représentant 63,59 % des exportations à cause notamment du raffinage de l’or provenant des mines de Sabodala et de Mako sur son territoire.
L’or est le premier contributeur aux exportations du secteur extractif avec 61,59 %. Les pays destinataires de l’or du Sénégal sont la Suisse (60,00 %), le Mali (12,13%), les Etats-Unis (3,53 %), l’Espagne (3,25 %), la Chine (2,90 %). La production d’or est passée de 235 517 onces d’or (7,32 tonnes) en 2017 à 404 181 onces (12,57 tonnes) en 2018, soit une augmentation de 72 % grâce à l’entrée en production de la mine de Mako de Petowal Mining Company (PMC), filiale de Toro Gold en janvier 2018 et dont les réserves sont estimées à 1 600 000 onces (49,8 tonnes).
Selon un document du Bureau opérationnel du suivi du Plan Sénégal émergent, au titre des réalisations, la société SGO a enregistré une production record de 7,63 tonnes en 2018, représentant une hausse de 5,1% comparée à celle de 2017 grâce à l’exploitation de teneurs d’or plus élevées.
La mine de Mako a produit pour sa première année d’exploitation 156 926 onces (4,88 tonnes) tandis que la société Afrigold a produit 63 kg de son gisement de Karakena tout en poursuivant l’extension de son usine de traitement d’or. Pour le gisement de Makabingui, la société Makabingui Gold Operations (MGO) a démarré les travaux de construction de sa mine dont les réserves sont estimées à 1 million d’onces (31,1 tonnes).
La société IAMGOLD, au terme de ses travaux d’exploration concluants, a finalisé l’étude de faisabilité du gisement de Boto estimé à 1,9 million d’onces (59,9 tonnes) de réserves d’or. Elle a obtenu son attestation de conformité environnementale en octobre 2018. De même, la société Randgold est en voie de finalisation de l’étude de faisabilité du projet de Massawa dont les réserves sont estimées à 2,7 millions d’onces (84 tonnes) d’or.
Le secteur aurifère, un bel avenir au Sénégal
Un défi pour l’atteinte des objectifs de production d’or résidait principalement dans la capacité de SGO à réussir l’exploitation de nouveaux gisements, notamment celui de Niakhafiri, surtout au regard de l’opposition des populations à la réalisation de ce projet. SGO a pu trouver un accord avec les populations locales avec la mise en place concertée d’un plan de recasement des villages de Sabodala et Madina Sabodala.
« La mise en œuvre du projet phare est également confrontée à la cohabitation avec l’activité d’orpaillage traditionnel qui constitue une problématique critique, non seulement en termes de risques sanitaires, sécuritaires et environnementales, mais également en termes d’obstacles au développement de l’exploitation industrielle d’or. La stabilisation du cadre fiscal régissant les sociétés minières en phase d’exploitation constitue également un autre défi à la pleine valorisation du potentiel minier du pays. Enfin, les lenteurs dans la restitution des crédits de TVA auxquelles font face les sociétés minières sont en train d’être résolues par une résorption continue du reliquat et le non-paiement de TVA en vigueur depuis 2016 pour SGO. Les récentes découvertes des gisements de Mako (Toro Gold), Makabingui (Bassari Resources) et Malikoundi (IAMGOLD), associés aux travaux avancées de Massawa-Sofia (Randgold Resources), confirment que le Sénégal dispose d’un sous-sol à haut potentiel minier. La stabilité géopolitique du Sénégal et son nouveau code minier de 2016 constituent une attraction de choix pour les investisseurs du secteur minier » soulignent les services du Bureau de suivi du Plan Sénégal émergent.
Le Témoin
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