L’élevage dans la communauté Peulh des pays du Sahel : Nouvelles approches et profondes mutations (Par Abou Mamadou Touré)

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A l’occasion du Colloque organisé par « Fedde Bamtaree Jokere Endam », le Docteur Abou Touré a fait une importante communication axée sur « Considérations générales sur la situation de l’élevage dans la communauté peulh des pays du Sahel-L’impérieuse nécessité de nouvelles approches et de profondes mutations. L’ancien  directeur de l’élevage, président honoraire de l’Ordre des docteurs Vétérinaires du Sénégal, ancien Directeur de la Protection et Surveillance des Pêches du Sénégal et ancien PCA de la Société Nouvelle de la Société Nationale des Conserveries du Sénégal prône  la sédentarisation ou la semi sédentarisation des producteurs.

I. Introduction :

Les pays du Sahel comptent une grande communauté Peulh, Mauritanie et Nigeria inclus, et connaissent les mêmes problèmes et contraintes que ceux de leurs parents sénégalais.

En mouvement perpétuel à la recherche de pâturages et d’eau, ces communautés restent confrontées à la colonisation des vaines pâtures par le front agricole, une urbanisation galopante, l’irruption de l’agrobusiness mondial, la construction de différentes infrastructures (routes, rail, autoroutes, mines, électrification, aménagements hydro-agricoles),  sans tenir compte des activités d’élevage.

Cette situation engendre des conflits récurrents entre principalement les agriculteurs et les éleveurs, aboutissant régulièrement à des affrontements meurtriers et une spoliation organisée du patrimoine de ces derniers.

Ceci a atteint un degré jamais égalé dans l’espace sahélien avec des affrontements intercommunautaires avec, en surimpression, l’extrémisme islamique.

Cette nouvelle donne a considérablement affecté la communauté Peulh du Sahel dans ses mouvements traditionnels et dans le commerce de son bétail.

En effet, ces pays  étaient les principaux fournisseurs d’animaux vivants et de viande aux pays côtiers du golfe de Guinée et, dans une moindre mesure,  du Sénégal, pays sahélien et côtier à la fois.

Leur potentiel animal est évalué à 40 millions de bovins environ pour une valeur estimée à 6.000 milliards de francs CFA en capital vivant,  et 100 millions de petits ruminants pour une valeur de 2.500 milliards de FCFA, sans parler des autres espèces( chameaux, équidés, asins, porcins, volailles, apiculture)

L’insécurité régnante dans les pays suscités contraint les pays côtiers à recourir à des importations venant principalement de l’Afrique australe, des pays extra- africains, et à développer leurs filières avicoles, privant ainsi ces pays de débouchés traditionnels, le marché mondial leur étant fermé du fait de maladies graves qui sévissent dans la zone.

Pour décrire la situation générale qui prévalait avant l’irruption de cet  islamisme radical, prenons l’exemple du Sénégal que l’on peut transposer, à quelques variantes près, dans les autres pays.

II. Considérations générales communes aux pays du Sahel

Nous n’aborderons principalement  ici que les problèmes rencontrés par les pasteurs dont le trait dominant est la pratique d’un élevage extensif, caractérisé par une transhumance qui, en cas de crise accentuée et durable, devient du nomadisme.

La transhumance est définie comme étant un système de production caractérisé par des mouvements pendulaires des animaux et des hommes, d’amplitude variable, en fonction de la proximité de ressources fourragères, de l’eau et de marchés, exactement calqués sur le rythme des saisons.

Ces mouvements se font  entre des zones écologiques complémentaires ou de densités démographiques et zoo-graphiques différentes. On trouve ainsi trois formes de transhumance que sont la petite transhumance, la grande transhumance et le nomadisme réinterprété. Elle concerne principalement la zone sylvo- pastorale qui se situe principalement dans les régions de Saint-Louis, de Matam, de Louga, de Kaolack (Nord Département de Kaffrine) et de Tambacounda (Sud  Bakel et Nord Tamba), donc dans le septentrion sénégalais.

Nous allons brosser de manière synoptique les problèmes auxquels restent confrontés ces pasteurs.

Problèmes communs

En dehors des trois mois de l’hivernage pendant lesquels hommes et bêtes se reposent car trouvant l’eau et les pâturages, les pasteurs sont dans une insécurité alimentaire permanente avec la raréfaction progressive des pâturages et des points d’eau naturels.

Vivant toujours dans des zones enclavées, en perpétuel mouvement dès décembre, ils sont la plupart du temps difficiles à localiser, à joindre ou à secourir. Les ouvrages hydrauliques n’arrivent plus à satisfaire la demande en eau toujours grandissante du fait de l’augmentation des effectifs humains et animaux.

L’immensité relative de la zone sylvo-pastorale (ZSP), la dispersion des campements, l’inexistence ou la rareté des infrastructures de base et socio-économiques telles que les écoles, les centres de santé, les routes, le téléphone, l’électricité font que les pasteurs vivent dans des conditions épouvantables, en proie à la maladie, à l’ignorance, à l’isolement et à la précarité, malgré les immenses ressources détenues entre leurs mains.

Les campements se vident le jour et sombrent dans les ténèbres la nuit.

Des puits et des forages surexploités tombent fréquemment en panne ou s’assèchent pendant de longues périodes, soumettant hommes et bêtes à une pénible  errance.

Problèmes spécifiques

¬ Les jeunes

Du fait du mode d’élevage qui est du type transhumant et le rôle de bergers dévolu en priorité aux enfants, le taux de scolarité en milieu éleveur est très bas. La transhumance s’opérant principalement en pleine année scolaire (Décembre à Juillet) reste un facteur aggravant. L’inexistence des réceptifs adéquats, le manque d’effectifs, les diverses pénuries (eau, alimentation, fournitures), l’environnement hostile (chaleur, vents, poussière, enclavement) combiné à l’absence de loisirs font que l’éducation en milieu éleveur est un facteur bloquant qui empêche cette société d’accéder au progrès et au développement. L’enseignement est au rabais, répondant rarement aux critères pédagogiques minimaux (passage de tous les élèves d’une classe à une autre, absences et retards excessifs tolérés, manque de manuels et de fourniture scolaires et pédagogiques, abris provisoires, etc.).

Il faut souligner que les filles sont plus scolarisées du fait que ce sont principalement les garçons qui assurent la garde des animaux et transhument. Cet avantage est malheureusement anéanti par les mariages et grossesses précoces. L’éducation informelle tend à pallier ces inconvénients par le biais de l’alphabétisation et l’alphabétisation fonctionnelle qui demandent quand même des supports pédagogiques et andragogiques classiques pour  obtenir des résultats escomptés.

¬ Les adolescents et les jeunes adultes

C’est la tranche la plus délicate, la plus sensible pendant laquelle se façonnent les vices et les vertus. C’est l’âge de déperditions scolaires, des mariages précoces avec leur cortège de grossesses difficiles, de morbidité et de mortalités périnatales, d’instabilités matrimoniales, de rivalités naissantes aux dénouements souvent sanglants et de propagation des MST.

C’est progressivement  l’âge des larcins, des vols de cabris, d’agneaux, de moutons, de bœufs, de braquages des boutiques et autres établissements brassant de l’argent, voire du grand banditisme.

C’est l’addiction  au tabac, à l’alcool, aux drogues et aux déviances dérivées tels que le vagabondage sexuel et le meurtre.

La vente des animaux étant strictement règlementée et contingentée, les jeunes adultes sont souvent pauvres et ignorants et n’ont comme autre recours qu’au coupe-coupe, au bâton, ou au couteau pour vivre ou survivre.

Ce sont eux les plus exposés aux règlements de compte qui surviennent lors des conflits agriculteurs/éleveurs.

¬ Les femmes

C’est autour d’elles que tourne la vie de la communauté. À elles incombent la construction même de l’habitat, la recherche de la nourriture et la préparation des repas et  les corvées d’eau. Elles sont chargées de la traite, de la transformation et de la vente du lait ainsi que de l’approvisionnement en denrées diverses.

À pied, à dos d’âne, sur les charrettes et vieilles guimbardes surchargées, elles affrontent, stoïques, les vexations et les humiliations des apprentis, des chauffeurs pour ne pas dire du premier venu.

Quotidiennement, elles fuient la solitude des hameaux en se rendant dans les villes, les villages-centres, les marchés hebdomadaires afin d’y écouler lait et beurre mais surtout pour s’y approvisionner. Elles sont souvent victimes d’un manque de considération, de vexation diverses  et souvent entrainées dans des activités de déviation. C’est elles qui payent le plus lourd tribut à l’état d’arriération de l’élevage traditionnel.

De reines qu’elles devraient être, elles se retrouvent serviles servantes.

Les grands adultes

Ce sont les pères de famille, les chefs de village ou de tribu, responsables politiques et propriétaires des animaux et des champs immatriculés. C’est à leur niveau que se recrutent les leaders d’opinions et d’actions. Ce sont les sages et les décideurs. Ils ont rarement une activité autre que propriétaires d’animaux.

Restés au campement et rencontrés au niveau des forages ou des grandes agglomérations, ils forment de petits groupes pour échanger des informations utiles ou futiles. Ils sont déchargés de toute activité physique. Ils sont parfois reconvertis en dioulas primaires ou secondaires, en téfankés, en commerçants, en charlatans ou marabouts.

Leur mode de vie est presque uniforme quel que soit le nombre de têtes de bétail détenues. La différence de statut vient souvent d’activités très éloignées de leur cadre normal d’évolution tels que le pèlerinage à la Mecque, l’intégration des circuits lucratifs du charlatanisme urbain ou international.

Ils sont souvent minés par des rivalités profondes provenant d’héritage familial, de chefferie villageoise ou tribale, de direction des comités de gestion des forages, de leadership politique ou autre.

Pourtant, au regard des immenses potentialités de l’élevage, ces conditions de vie si difficiles auraient  pu connaitre des améliorations notables.

Pour en avoir une idée, passons-en revue l’état des lieux de ce sous-secteur.

L’élevage occupe une place éminente dans l’économie sénégalaise. C’est un sous-secteur qui mérite d’être mieux connu des Sénégalais et mieux soutenu par les pouvoirs publics. Dans la phase 1 du PSE, d’énormes moyens humains, financiers et matériels ont été injectés dans le sous-secteur avec  des résultats probants mais assez  mitigés. Les dernières statistiques donnent les chiffres suivants : 3,5 millions de bovins, 11,7 millions de petits ruminants (6 millions pour les ovins, et 5,7 millions pour les caprins), 400.000 porcins, 930.000 équins, 460.000 asins, 14.000 camelins, 60 millions de volailles environ, 600 millions d’œufs de consommation, 230 millions de litres de lait (204 millions d’équivalent de lait importés).

Le cheptel  représente un capital vivant de plus de 700 milliards de FCFA, 7,4% du Pib national et 35% de celui du secteur primaire. Diverses enquêtes indiquent que l’élevage joue un rôle déterminant dans l’économie nationale et dans la société sénégalaise. Il procure : 

– 50 à 75% des revenus en zone sylvopastorale

 – 40% en zone agropastorale

 – 20% en zone agricole méridionale 

– 11,2% du revenu des ménages pour l’agriculture stricto sensu 

– 75% des revenus dans les zones à risque, incluant les mandats et le petit commerce.  Il joue un rôle de captage, de sécurisation et de valorisation de l’épargne rurale. C’est grâce aux revenus tirés de l’élevage que la plupart des agropasteurs achètent des intrants, du matériel agricole, les vivres de soudure, remboursent les dettes de campagne dite agricole, s’équipent et font face aux différentes cérémonies religieuses, familiales et sacrificielles (baptêmes, mariages, Tabaski, Korité, pèlerinages, Magals et gamous divers). La vente des sous-produits agricoles et agro-industriels tels que les fanes d’arachides, la mélasse, la bagasse, les tourteaux, les issues de meunerie, les graines de coton, les aliments complets procure des revenus appréciables aux paysans et aux agro-industriels ainsi que de nombreux emplois directs et indirects. Le fumier remplace avantageusement les engrais azotés. Le cheval et l’âne sont largement utilisés pour le transport des hommes et des biens aussi bien en milieu rural qu’en milieu urbain. L’élevage des chevaux de course, d’équitation, d’apparat et de convenance reste une activité fort lucrative et participe grandement à la diversification des offres de loisirs. En zone tempérée ou en élevage intensif, l’élevage occupe 1/3 des terres et procure 2/3 des revenus tandis que l’agriculture stricto sensu occupe les 2 autres tiers pour 1/3 des revenus. L’élevage améliore la régénération des pâturages et des arbres, en fertilisant les sols, les rendant  plus meubles, favorisant ainsi la germination des graines fortement dormantes, de par leurs rejets (fèces et mictions). Les abeilles assurent une pollinisation des plantes, participant ainsi à la production agricole et forestière. Les cuirs et peaux procurent des devises au pays et une matière première aux artisans et industriels de la maroquinerie, de l’ameublement ainsi que de l’habillement. Il apparaît donc que l’élevage, malgré ses modes de production, de transformation et de commercialisation qui sont en majorité de type archaïque, les énormes handicaps que trainent hommes et bêtes, sa relative marginalisation dans l’allocation des ressources, l’absence de structures stables et pérennes chargées de son développement,  reste quand même un sous-secteur central dans la société et l’économie nationales.

III.  Perspectives 

Au vu de son formidable potentiel socio-économique, une attention plus soutenue doit être accordée à ce sous-secteur qui recèle des niches de progression quantitative et qualitative inouïes. Le défi majeur est d’assurer une transition harmonieuse entre l’élevage traditionnel, à dominante extensive, vers un élevage de type moderne reposant sur une approche intégrée dans des chaînes de valeurs mieux maîtrisées. Pour assurer cette transition, l’État et les acteurs concernés doivent  agir sur les hommes, la plante, les animaux et l’environnement dans lequel ceux-ci évoluent selon le fameux tétraèdre de Thérêt qui en a théorisé les interactions.

Pour les hommes :

Il faut renforcer  leurs capacités par une meilleure organisation (GIE, Coopératives, Mutuelles, Groupement de femmes, maisons d’éleveurs, etc.) De nouvelles formes d’organisation peuvent être aussi expérimentées tels que les Groupements de Protection Sanitaire et alimentaire du bétail, à l’instar des Groupements de défense sanitaire (GDS) en France qui réunissent les principaux acteurs à la base (éleveurs, vétérinaires et agents de l’élevage) en leur sein pour une meilleure synergie des actions. La formation et l’information complèteront la panoplie des actions à entreprendre.

Pour les animaux :

Il faudra agir en priorité sur la santé animale pour préserver le caractère indemne de notre pays en luttant contre certaines maladies telle que la peste bovine. On pourrait également envisager des zones ou des compartiments indemnes (Ranch de Doli, certaines exploitations avicoles et laitières) qui pourraient favoriser des exportations d’animaux et de produits d’origine animale. Il faudra aussi exploiter le potentiel génétique de nos races locales par la sélection axée sur la production de viande, améliorer ce potentiel avec des races exotiques à potentialités similaires ou complémentaires (lait, viande, résistance, etc.) et introduire des races pures à la seule condition de s’assurer de la rentabilité économique et financière de leur exploitation.

Pour la Plante :

Elle concourt à l’alimentation de l’animal. Celle-ci provient des pâturages naturels, le foin des arbres, des résidus de récolte, des sous-produits agro-industriels, des aliments complets, des compléments ou suppléments alimentaires. Ils participent à la sécurité alimentaire du bétail, point névralgique de l’élevage pastoral. Les cultures fourragères doivent être vulgarisées au niveau des aménagements hydro-agricoles réalisés par les sociétés de développement agricole comme la SAED et la SODAGRI.

Sur l’environnement :

Cet environnement, qu’il soit physique ou immatériel, conditionne le développement du sous-secteur car faisant intervenir les services et acteurs évoluant le plus souvent dans des secteurs étrangers aux activités d’élevage proprement dites (routes bitumées, rail, pistes de production, énergie, hydraulique, pare-feux, éducation, santé, crédit, politiques fiscales, industrie, commercialisation, agriculture, marché mondial, etc.). Pour agir sur ces différents éléments du tétraèdre susmentionné, l’État doit prendre des mesures très fortes à même d’entrainer des mutations profondes. Il faudrait envisager, à cet effet, la création de deux structures d’accompagnement stratégique. La première s’occupera de la Zone Sylvopastorale qu’il faudra déclarer Zone d’aménagement prioritaire et créer à cet effet une entité (Haute Autorité, Société, Agence, Office, etc.) qui la prendra en charge. Elle serait chargée de définir et de réaliser, en rapport avec les différents services de l’État, un réseau routier, électrique et hydraulique rationnalisé, des infrastructures socio-économiques de base (écoles, hôpitaux, centres de santé, abattoirs, usines de lait, tanneries, parcs de vaccination, etc.), du développement d’autres systèmes de production (ranching, fermes), de la gestion en rapport avec les éleveurs, des privés nationaux et étrangers, de la Grande Muraille Verte ainsi que celle de cette formidable réserve media-diverse qu’est le Ranch de Doli (90.000 ha, soit environ 20ème du territoire national, plus vaste que la région de Dakar, 66.000 ha). Rien qu’avec ce Ranch, on pourrait produire plus d’un million de moutons et 500.000 bovins embouchés par an, assurant ainsi notre autosuffisance en moutons de Tabaski  et même envisager l’exportation d’animaux et de sous-produits vers des pays comme l’Arabie Saoudite et des pays du Maghreb qui en formulent régulièrement la demande. Cette entité reprendrait en les amplifiant les missions anciennement dévolues à la SODESP, sacrifiée sur l’autel des politiques d’ajustement structurel des années 90. La deuxième entité consistera en la création d’une agence en charge de la production laitière, en lieu et place de projets épars et non liés et parfois limités dans le temps et dans l’espace (insémination artificielle, réserves fourragères, mini laiteries, chaine de froid, FONSTAB, usine de lait), compte tenu de l’importance stratégique de la production laitière dans la modernisation de l’élevage (sédentarisation, stabulation, cultures fourragères, organisation et formation des producteurs, industrialisation) et de l’impact de son importation sur nos balances commerciale et des paiements (30.000 tonnes par an pour une valeur estimée à 60 milliards de FCFA). Elle aura une approche plus stratégique, longtermiste et systémique. En complément aux actions de ces deux entités, les sociétés régionales de développement rural comme la SAED, la SODAGRI et la SODEFITEX devraient intégrer, de manière plus systématique et organique, le volet élevage dans leurs missions et organigrammes. D’ailleurs, dans leur mission originelle, ces sociétés devraient s’occuper du développement du secteur primaire dans son intégralité (agriculture, élevage, pêche continentale et foresterie).

IV.     Conclusion

Après ce rapide survol du sous-secteur de l’élevage, il s’agit maintenant de voir comment  donner la place qu’il mérite dans les politiques économiques de l’État et ce, en changeant profondément les approches et les paradigmes afin que le défi majeur que constitue la production de la viande et du lait de qualité en quantité suffisante, d’assurer leur transformation, conservation et distribution selon les normes d’hygiène et de salubrité idoines tout en rétribuant équitablement les différents acteurs, principalement les éleveurs soit relevé. Ces produits doivent être accessibles aux consommateurs tout en gardant leur compétitivité par rapport aux animaux et produits animaux importés du marché   sous- régional ou international et en ayant l’ambition d’en être un exportateur net pour des marchés émergents (Arabie Saoudite, Maghreb) ou de la sous-région (produits avicoles et apicoles). Des mesures incitatives hardies doivent être prises pour favoriser la sédentarisation ou la semi sédentarisation des producteurs. Les nouvelles entités à créer ainsi que les sociétés ou projets de développement agricole doivent y jouer leur partition en se réappropriant leurs missions originelles et en réaménageant leurs organigrammes. Priorité devra être donnée à une formation adaptée et accélérée des éleveurs et des autres acteurs du sous-secteur. Les anciennes et les nouvelles formes d’organisations socioprofessionnelles seront impliquées dans la mobilisation de la formidable épargne monétaire ou à monétariser du monde pastoral afin de prendre en charge le financement de la production et surtout de la commercialisation des animaux et des produits dérivés dont la préparation (embouche et transformation) doit assurer leur valorisation maximale. Les filières équines, avicoles et apicoles doivent être prises en compte dans leurs différentes finalités. Les actions de sensibilisation doivent être amplifiées afin de convaincre et se convaincre que le devenir de notre agriculture lato sensu, repose en grande partie sur notre élevage qui doit en être la locomotive, donc sur l’intérêt que l’État accordera à l’avenir, à ce sous-secteur dont les acteurs se voient et se croient à l’abandon malgré les ressources exceptionnelles dégagées depuis quelques années pour son développement.

Au niveau des pays du Sahel, de nouvelles stratégies doivent être déployées afin de garantir la sécurité dans les zones de production, de transhumance et de commercialisation, par des approches novatrices adaptatives et résilientes. Cela doit induire fatalement des mutations profondes dans les modes de production et des approches innovantes dans le règlement des conflits intercommunautaires et interprofessionnels.

Fedde Bamtaree Jokere Endam ainsi que les associations voisines, locales ou internationales doivent s’impliquer techniquement et diplomatiquement dans la résolution des problèmes qui accablent la Communauté Peulh dans l’espace sahélien.

Par Docteur Abou Mamadou TOURÉ

Ancien Directeur de l’Élevage Président honoraire de l’Ordre des Docteurs Vétérinaires du Sénégal.

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